Photo : Riad Par Salah Benreguia La finance islamique représente aujourd'hui, à travers le monde, près de 1 000 milliards de dollars d'actifs gérés. A travers le monde près d'une centaine d'institutions financières activent dans ce segment, dont 37 en Afrique pour une population musulmane de 412 millions d'habitants. Selon une étude du cabinet Moody's, le marché africain est estimé à 235 millions de dollars pour un volume actuel de 18 milliards. Toutefois, et dans le contexte actuel, caractérisé par une reprise économique molle, ce nouveau type de financement peut-il se présenter comme une véritable alternative ? Dans les pays dits musulmans, à l'instar de l'Algérie, la finance islamique peut-elle booster et contribuer au développement du secteur bancaire ? Comment fonctionne ce mode de financement ? Les spécialistes en la finance ainsi que des banquiers ont essayé de répondre à ces questions, lors du 3ème forum algérien de la finance islamique, tenu la semaine passée à Alger. Les experts en la matière soutiennent que pour adopter ce nouveau type de financement, les banques et établissements financiers ou les compagnies d'assurances concernées, doivent impérativement installer un conseil (composé d'au moins trois docteurs en charia) qui se prononce sur la conformité des produits proposés par rapport aux règles de la charia. Après étude, ils émettent une «fatwa» et ce n'est qu'alors que le produit peut être commercialisé, nous a expliqué un expert, rencontré lors de cette rencontre, organisée par le cabinet français Isla Invest, avec le concours de la banque El Baraka. «Ce nouveau mode de financement répond strictement aux cinq critères, à savoir l'interdiction de l'intérêt, pas d'incertitude, pas de financement de certains secteurs jugés illicites, comme l'alcool, le principe qui stipule que toute transaction doit être sous-tendue par un actif tangible, et enfin celui du partage de profits et des pertes entre les participants à une transaction financière», nous a affirmé le Tunisien, Zoubeir Ben Terdeyet, directeur associé dudit cabinet. «Donc, la finance islamique permet de répondre à ces deux besoins, sauf qu'elle est spécifique, dans le sens où elle doit respecter les règles de la charia. En plus des principes classiques de financement (les risques, la profitabilité), dans la finance islamique, on doit faire attention à ne pas faire du «riba», ou l'intérêt interdit en islam, pas d'activités illicites dans le financement, et pas de spéculation et d'incertitude». Quels sont ces produits ? Dans le cas de notre pays, il existe le sukuk, la murabaha (achat-vente), les ijara (équivalent du leasing) et les musharaka (équivalent du capital risque), nous a expliqué la même source. Les législations bancaires et fiscales à revoir Notre pays peut-il devenir le hub de la finance islamique ? Cette question, au demeurant importante, revient sur toutes les lèvres de spécialistes algériens, compte tenu de l'enjeu et des attentes et surtout de l'intérêt des Algériens qui commence à apparaître. Si dans certains pays occidentaux, les législateurs cherchent actuellement à créer les conditions réglementaires afin de permettre à leurs banques de capter les capitaux «halal», la législation algérienne a déjà autorisé ce genre d'opération depuis 1991, lors de l'agrément de la première banque privée spécialisée dans ce financement à savoir El Baraka Bank. Mais pour les spécialistes en la matière, ce marché, qui a vu le jour dans notre pays depuis 19 ans, demeure, à présent, à l'état embryonnaire. Il ne représente, selon les chiffres fournis lors de ce forum, seulement 1,5% du système financier national, et près de 15% des banques privées. Et le nombre de banques et établissements agréés depuis se comptent sur les doigts d'une seule main : trois banques (El Baraka, Essalem et AGB) ainsi qu'une compagnie d'assurance (Salama) opèrent actuellement en Algérie selon les préceptes de la charia. Le motif ? La loi sur la monnaie et le crédit autorise, certes, les opérations d'investissement et de commerce conformes aux préceptes de la loi islamique (charia), mais ne les a pas clairement définies en tant que catégorie spécifique de financement. «La finance islamique opère selon des règles différentes que la finance classique. Par conséquent, il faudrait avoir un système adapté au code du commerce, au niveau de la législation fiscale, parce que les transactions sont structurées d'une manière particulière par rapport aux banques classiques qui utilisent des intérêts. Dans le cas de la finance islamique, on utilise des opérations commerciales mais qui sont de nature financière», nous a indiqué un expert lors de ce forum. Ce manque de précisions serait à l'origine du timide développement de ce segment de la finance après deux décennies d'activité. Certains experts, à l'image du directeur central de la banque El Baraka, M. Nasser Haider, ont vivement suggéré d'introduire certaines règles pouvant faciliter l'application ainsi que la réussite de ce type de financement en Algérie. Existe-t-il une volonté politique de la part des autorités monétaires du pays pour la réussite d'une telle entreprise ? Affirmatif, ajoute M. Haider. En effet, ce dernier nous a fait savoir que le ministère des Finances, avait récemment affirmé que l'activité des banques islamiques en Algérie est codifiée de manière cohérente, en ce sens que la loi sur la monnaie et le crédit et les textes d'application de la Banque d'Algérie contient des textes législatifs visant à réguler les produits bancaires proposés par ces banques islamiques. Pour rappel, le grand argentier du pays avait annoncé, également, qu'un groupe de travail, regroupant les responsables des banques et établissements concernés, membres de l'Association des institutions financières et des banques, mène une étude exhaustive pour formuler de nouvelles propositions pour le développement et le soutien de l'activité des banques islamiques en Algérie.