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Washington soutient Séoul pour stopper la politique expansionniste de Pékin Le conflit entre les deux Corées au cœur d'une lutte énergétique sino-américaine
L'armée nord-coréenne a tiré, la semaine dernière, une dizaine d'obus contre l'île sud-coréenne de Yeonpyeong, et c'était toute la planète qui a été secouée par ces frappes. Washington a vite réagi à cette énième provocation de Pyongyang qui a coûté la vie à quatre personnes, dont deux civils. Séoul a promis de venger ses morts, assuré du soutien du voisin japonais et des Américains principalement. Mais le régime de Kim Jong-il ne semble pas prendre au sérieux cet avertissement de son ennemi du Sud. Le régime ultra-fermé du Nord sait pertinemment que la machine de guerre sud-coréenne ne peut fonctionner que d'un commun accord avec les partenaires militaires stratégiques de Séoul. Selon des analystes, ni le Japon ni les Etats-Unis n'ont intérêt à voir Kim Jong-il renversé, celui-ci disposant d'un arsenal atomique non négligeable. De son côté, la Chine sera incapable de faire face à un éventuel flux de réfugiés nord-coréens en cas de nouvelle guerre intercoréenne. Toutefois, si la diplomatie américaine s'avère très active dans cette crise, c'est pour d'autres raisons géostratégiques et surtout économiques. Washington dispose de bases militaires sur le sol sud-coréen fortes de plus de 35 000 soldats. Les Etats-Unis, avec leur implication directe dans le conflit intercoréen, visent en réalité à prévenir tout hégémonisme chinois dans la région de l'Asie du Sud-Est. Les appétits énergétiques chinois sont en fait sans aucune commune mesure. La Chine a besoin de plus en plus d'énergies fossiles, notamment le gaz et le pétrole, pour faire tourner son industrie. Elle produit 2% de plus d'énergie chaque année mais ses besoins augmentent de 8% annuellement. Les gisements situés dans la province de Xinjiang, dans l'extrême nord-ouest du pays, sont en voie d'épuisement et l'acheminement du pétrole jusqu'aux côtes est est très coûteux. C'est ce qui explique la décision chinoise de diversifier ses sources d'approvisionnement en matières premières et en énergies afin d'éviter toute pénurie. Pour ce faire, elle a développé des liens commerciaux avec les pays considérés comme des Etats voyous par les Etats-Unis, à l'exemple de l'Iran qui bénéficie du soutien implicite de Pékin dans le dossier de son controversé programme nucléaire. La Russie fait aussi partie des partenaires stratégiques de la Chine. Les échanges commerciaux entre les deux pays sont passés de 3 à 25 milliards de dollars en l'espace d'une décennie. La Russie exporte de l'énergie vers la Chine et importe des produits manufacturés. Elle constitue pour le moment un allié de taille pour la Chine dans le dossier du nucléaire nord-coréen, puisque la Pyongyang pose aussi problème pour l'Agence internationale de l'énergie atomique, mais Moscou peut aussi basculer à n'importe quel moment vers un Occident qui exerce sur lui une véritable pression du côté de ses anciennes républiques de l'Europe de l'Est. Cela dit, Pékin demeure toujours dépendant de l'extérieur en matière de ressources naturelles. Il faut souligner aussi que la région du Moyen-Orient fait partie des fournisseurs en gaz et en pétrole pour Pékin mais reste de moindre importance à cause de l'instabilité de cette partie du monde. C'est, entre autres, la raison pour laquelle le Grand Dragon a investi le continent noir pour avoir de quoi alimenter ses usines en échange de crédits et autres services. La Chine a signé des contrats en Afrique avec le Soudan, l'Angola et le Gabon, et, en échange, ses entreprises se sont engagées à réaliser des routes, des écoles et autres infrastructures de base dans ces pays. Pour l'acheminement des matières premières, la Chine utilise la voie maritime à travers l'océan Indien. Autrement dit, les Etats-Unis peuvent exercer un véritable chantage diplomatique sur celle-ci puisque les voies maritimes dans cette région océanique, en proie à la piraterie, sont sécurisées par les flottes militaires britannique, française et américaine, notamment au niveau du détroit d'Ormuz, dans le golfe Persique, et le détroit de Malacca, situé entre la péninsule de Malaisie et l'île indonésienne. Le détroit de Malacca constitue l'une des plus importantes voies de transport maritime de marchandises. Ils sont plus de 50 000 navires à y transiter chaque année, ce qui représente la moitié du transport maritime mondial. Plus de la moitié du transport maritime du pétrole transite aussi par ce point et ces chiffres sont appelés à augmenter pour la prochaine décennie en raison justement de la forte croissance économique chinoise. L'Indonésie, l'un des pays les plus peuplés en Asie du Sud, veut aussi rivaliser avec la Chine et elle est en conflit avec celle-ci à cause des frontières maritimes en mer de Chine, objet d'un litige avec Singapour, la Malaisie, le Vietnam, le sultanat de Brunei, l'île de Taïwan, et les Philippines. En mer de Chine, il existe un archipel d'une centaine d'îles, les Spratlys. Zone de grande pêche mondiale, c'est aussi une zone de transit de 25% du commerce maritime mondial. Mais le litige autour de ces îles, revendiquées par les pays cités plus haut, par ailleurs membres de l'Asean (organisation de coopération économique des pays de l'Asie du Sud en dehors de la Chine qui refuse d'y adhérer), tourne autour des gisements pétrolifères estimés à plus à plus de 1 000 milliards de dollars. Les îles de Natuna, dont le sous-sol renferme une importante nappe de pétrole, sont aussi convoitées par la Chine alors qu'elle sait pertinemment qu'elles sont la propriété exclusive de l'Indonésie qui n'a pas de revendication sur les îles Spratly. Invité à assister à la réunion de l'Asean consacré à la sécurité régionale, à Hanoi, le 23 juillet dernier, Washington a été agressif avec Pékin qui a déjà considéré sa présence comme une interférence dans le différend maritime des pays de la région. La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a estimé qu'aucune nation ne peut prétendre à s'attribuer un espace économique exclusif en mer de Chine, sous prétexte de contrôle militaire et d'îles inhabitées de l'archipel des Spratly. Pour conclure, l'intervention américaine dans le conflit intercoréen n'est qu'un prétexte pour freiner l'hégémonisme chinois en Asie orientale. De son côté, la Chine continue à soutenir le régime nord-coréen pour contrer cette pression américaine, accentuée par le Japon, la Corée du Sud et les pays voisins du l'Asie du Sud, pour la plupart pro-Washington. L. M.