Photo : M. Hacène De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar L'urbanisme, par définition, c'est la technique d'aménagement et d'organisation des villes et des agglomérations et, de façon plus précise, l'art de disposer l'espace urbain (bâtiments d'habitation, lieux de travail, espaces de loisirs, réseaux de circulation…) pour obtenir son meilleur fonctionnement et améliorer les rapports sociaux. Une cité bien organisée sur ce plan-là offre naturellement de meilleures conditions de bien-être et de travail. Outre le confort quotidien, la question est aussi essentielle pour l'économie et la stabilité sociale. Saisissant vraisemblablement toute l'importance de cet enjeu, les pouvoirs publics ont initié ces dernières années plusieurs actions dédiées à l'assainissement et la réhabilitation du tissu urbain. Des textes de loi et des démarches pratiques ont été récemment adoptés dans ce sens. Opérations de résorption de l'habitat précaire, projets de restauration du vieux bâti, élargissement et désengorgement des voies de circulation, obligation faite aux promoteurs immobiliers et constructeurs privés de finaliser les façades extérieures des immeubles dans les délais fixés par le permis de construire, création d'espaces verts et d'aires de jeu pour enfants. L'administration publique met théoriquement les bouchées doubles pour rattraper tous les retards cumulés dans ce domaine. Mais cette dynamique reste toujours en deçà des exigences et rencontre de nombreuses résistances sur le terrain. A travers toutes les villes d'Algérie, le visiteur distingue encore de nombreuses irrégularités et des incohérences flagrantes. Des chantiers qui s'éternisent faute de suivi, des lotissements qui se transforment en favelas en l'absence de contrôle quotidien des autorités compétentes, des dépôts d'ordures à tous les coins de rue, des fuites d'eaux usées dans les caves des immeubles, des caniveaux qui débordent à la moindre chute de pluie, des trottoirs indument occupés par des commerçants sans scrupules, des parkings clandestins, de la poussière et des mauvaises odeurs, le laxisme bureaucratique et l'incivisme ambiant font partout des ravages. Le citoyen lambda regrette l'absence ou la démission de l'Etat qui, selon lui, explique toute cette anarchie. Il est, en effet, courant de rencontrer des cas où des fonctionnaires véreux ferment les yeux pour couvrir les «méfaits» d'un gros bonnet qui accapare le moindre espace pour son intérêt exclusif. Les opportunistes et les parasites sont également légion pour détourner les aides et subventions étatiques destinées aux foyers pauvres et démunis. Là encore, la complicité des rouages administratifs est souvent établie. Les communes, qui vivent exclusivement sur le budget de l'Etat, peinent à remplir correctement leur mission de nettoyage de l'espace public. Peu d'intérêt est également accordé à l'entretien des réseaux d'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales. Quand on pose la question aux autorités, la balle est immédiatement rejetée dans le camp adverse : l'incivisme des populations, le manque de moyens d'intervention, la dilution des responsabilités et le chevauchement des prérogatives entre les différentes directions exécutives sont souvent évoqués comme autant d'embûches qui empêchent le monde de tourner rond. Même si ces explications justifient en partie cette dramatique situation, les manquements des autorités (élus et administration) sont également manifestes, car faute de suivi, toutes les initiatives prises étaient initialement condamnées à l'échec. Les pouvoirs publics doivent élaborer des plans généraux d'urbanisme rigoureux qui résument les objectifs et les limites de l'aménagement des sols : les contrôles du zonage et des subdivisions qui spécifient l'utilisation autorisée des sols, les densités, les conditions requises pour les rues, les services publics et les autres aménagements, les plans de circulation et de transports en commun, les stratégies de revitalisation économique des zones urbaines, les principes de protection de l'environnement et de préservation des ressources rares. En tant que tissu de l'organisation humaine, la ville est aujourd'hui un système complexe. Les spécialistes estiment qu'à un premier niveau, l'urbanisme concerne l'aménagement des quartiers selon des critères esthétiques et fonctionnels et la création des services publics indispensables. À un second niveau, il concerne le milieu socioculturel, l'éducation, le travail et les aspirations des résidents, le fonctionnement général du système économique auquel ils appartiennent, la position qu'ils occupent dans ce système et leurs capacités à prendre ou à influencer les décisions politiques qui affectent leur vie quotidienne. Il ne suffit plus d'adopter des textes de loi ou d'engager des réflexions sans lendemain, il faut agir sur le terrain, suivre au millimètre tous les projets et toutes les initiatives. Toute autre approche n'est que paroles vides.