D'année en année, la ville d'Alger se dégrade. Des habitations anciennes menacent ruine, d'autres naissent dans l'anarchie. La population augmente, venant des quatre coins du pays, à la recherche de sécurité, de travail, d'un enseignement de qualité… d'un meilleur cadre de vie. Les éboueurs travaillent… pour rien Illusion. Les images développées dans l'esprit ne trouvent pas leur place dans la réalité. La quiétude, l'harmonie et l'émancipation perdent tout leur sens dans une capitale où règnent désormais le bruit, l'anarchie, l'insalubrité, le non respect de l'autre, la course vers le gain facile… L'air frais des montagnes manque à ceux qui ont quitté, jeunes, leurs petits villages pour un travail qui permette un peu d'épanouissement. A voir les éboueurs des APC et de l'entreprise Netcom parcourir tous les matins, tous les soirs, tous les jours, les artères de la ville, ramasser avec leur pelle et leur balai, parfois même leurs mains, les ordures partout où elles se trouvent, le cœur se réjouit. Il y a de quoi admirer ces hommes qui se mettent au service des autres. C'est peut-être le fait qu'ils se lèvent avant les autres, très tôt le matin tous les jours, pour servir autrui. C'est peut-être aussi le fait qu'ils s'appliquent dans ce travail, alors qu'ils sont mal payés, très peu considérés. Les éboueurs à Alger sont aussi présents tard la nuit au moment où les autres dorment tranquillement chez eux. Il arrive aussi qu'on les aperçoive durant la journée, avec le même sérieux et la même application au travail. Tout à leur honneur. Malheureusement, la ville est toujours sale. De plus en plus sale. Des amas d'ordures s'amoncellent partout comme si aucun travail de nettoyage était jamais effectué. Rejeter toute la responsabilité sur les représentants des collectivités localités, ce serait une injustice, quoique, eux aussi, y en aient une part. Car la propreté de la ville n'est pas seulement une affaire de ramassage des ordures mais aussi une organisation des espaces urbains et de la population dans les quartiers. Le mal est là. Les espaces urbains sont dans une anarchie totale. Depuis que les syndics d'immeubles et les comités de quartier ont disparu, l'organisation des quartiers est tombée très bas. Aucune cité, aucun quartier, aucun bâtiment n'est épargné par le phénomène des ordures qui occupent les entrées des immeubles, les marches d'escalier sales et cassées, les murs décrépis… et ces sacs d'ordures que l'on jette du haut des balcons. A l'intérieur des immeubles, propriétaires et locataires procèdent à des aménagements qui n'en finissent pas. Des F2 qui se transforment en F3 et F4. Tout est permis pour gagner de l'espace et de l'argent, quitte à fragiliser toute la structure du bâtiment. Le bâti dans un état critique Des entrées d'immeuble et des cages d'escalier sont devenues le refuge des délinquants et des toxicomanes dans plusieurs quartiers d'Alger. On les entend rire, discuter «affaires», parfois se bagarrer, perturbant le sommeil des habitants. A qui s'en plaindre ? Ces gens font la loi et les riverains subissent. L'Etat brille par son absence.Un moment d'évasion, cela n'existe pas à Alger. Les rues sont surpeuplées à longueur de journée, les trottoirs dans un mauvais état malgré les opérations de renouvellement effectuées en moyenne une fois par an. Les façades des immeubles donnent le tournis, sales, dégradées et dangereuses. Il y a quelques mois, un passant est décédé à la rue Hassiba Ben Bouali suite à l'effondrement d'un balcon. L'état du bâti est critique mais peu d'habitants, encore moins de responsables locaux, s'en préoccupent. La situation est d'autant plus inquiétante que les antennes paraboliques sont de plus nombreuses sur les terrasses, les balcons et partout où elles peuvent trouver place. Un poids de plus, difficile à supporter par un sol qui supporte déjà mal celui des voitures, des trains, des bus etc. L'œil est agressé. Rien d'agréable à voir dans les façades des anciens immeubles qui faisaient autrefois la fierté d'Alger. La rue Larbi Ben M'hidi (ex-rue d'Isly) et la rue Didouche Mourad perdent leur charme. Heureusement qu'il y a ces anciennes photos en noir et blanc gardées jalousement par d'anciens collectionneurs qui les exposent au même endroit, depuis des années, près de la Grande-Poste. Des travaux de rénovation de quelques façades ont été lancés il y a quelques années mais cela avance lentement. Les grillages mis autour irritent les habitants. C'est à se demander ce qui se cache, en fin de compte, derrière ces projets censés redorer le blason de l'ancienne ville. Le transport est un autre grand problème à Alger. Encombrement, problème de stationnement, chauffeurs irresponsables et piétons distraits… Le calvaire au quotidien. «Ça ne sert à rien d'avoir une voiture à Alger», constatent des automobilistes. Pour ceux qui prennent le bus, n'ayant pas d'autre choix, c'est carrément le désespoir. «Ils restent près d'une heure dans la station. Ils ne démarrent pas avant de remplir tout l'espace. Nous nous retrouvons comme des moutons à l'intérieur», se plaignent des jeunes femmes employées dans une entreprise privée dont les responsables leur reprochent leurs retards répétés. «Ce n'est pas de notre faute. Je quitte la maison à 6 heures», raconte une de ces femmes, résidente à Réghaïa et employée à Bouzaréah. «Je ferai mieux de quitter le boulot. Ce transport me fait perdre mon temps et mon argent», dit-elle. L'organisation citoyenne, une nécessité absolue Les bus sont vétustes. Les stations dans un mauvais état ; anarchie, flaques d'eaux, trop de monde, trop de cris. Les stations de taxis ne sont pas moins désagréables. Ajoutez à cela, les clandestins qui harcèlent presque tous ceux qui descendent ou cherchent à monter dans un bus ou essaient encore de prendre un taxi. L'usager de ces moyens de transport perd ses repères. Les représentants des autorités locales sont au fait de ces problèmes qui reviennent en permanence pour causer davantage de stress à des citoyens désabusés par la cherté de la vie et le manque de perspectives. Ils sont interpellés, sollicités pour des interventions concrètes et efficaces mais peu de choses on pour répondre aux doléances exprimées. L'absence d'une véritable société civile qui agit à temps et efficacement pour la résolution des problèmes posés est, devrions-nous le dire, un autre problème, peut-être même le premier véritable problème qui mérite de trouver une solution immédiate. K. M.