La pêche au thon en Algérie semble problématique. D'un scandale de corruption et de pêche illégale qui a entaché, l'année dernière, les cadres du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques, elle est aujourd'hui au cœur d'une polémique de délivrance de visas. S'agit-il d'une gestion de «bricolage» ou d'un complot visant à s'emparer du quota algérien ? Dans tous les cas, l'Algérie n'a pas été représentée par les cadres du ministère qui maîtrisent le dossier à la réunion de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (Cicta), tenue en novembre dernier à Paris. Ce qui a causé la réduction de son quota de 616 tonnes à 198 tonnes, selon les déclarations du ministre du secteur, M. Khanafou, à l'APS : «Notre quota devait être de 616 tonnes mais il a été amputé, à la demande des Libyens, de 418 tonnes [...] réparties entre quatre pays», à savoir la Libye, l'Egypte, le Maroc et la Croatie. Il a ajouté que l'absence des représentants algériens est due à un problème de visas : «Les fonctionnaires du ministère de la Pêche n'ont pas pu assister à la réunion de la Cicta [du 17 au 27 novembre dernier à Paris] car ils n'ont pas reçu leur visa à temps. Mais l'Algérie a été quand même représentée par le biais de sa représentation diplomatique en France.» Ce qui est contesté par l'ambassade de France qui a indiqué, par la voix de son premier responsable, que «le consulat ne peut que constater qu'aucun dossier de demande de visa n'a été déposé par ces personnes. En liaison avec le ministère des Affaires étrangères algérien, les autorités diplomatiques et consulaires françaises traitent toujours dans les meilleurs délais les demandes de visa déposées par les membres des délégations officielles algériennes devant se rendre en France». Les visas des représentants du ministère de la Pêche ont été demandés une semaine avant la réunion. Est-ce un oubli ou une tradition ? L'ambassade de France a-t-elle reçu les demandes ? Les a-t-elle égarées ou sciemment omises ? La réponse à ces questions ne change rien à la donne actuelle. Le quota algérien a été amputé et l'Algérie a introduit, par le biais de son ambassade en France, un recours et formulé des réserves sur les procès-verbaux de la réunion de Paris. Mais ce qui reste incompréhensible, pour ne pas dire inadmissible, c'est la déclaration du ministre de la Pêche : «Ce ne sont pas des millions d'euros que nous perdons. Tout ce que l'on perd, ce sont les taxes que les armateurs paient au Trésor public et dont la valeur n'atteint même pas 7 milliards de centimes pour un quota de 616 tonnes.» «On en a fait un problème pour rien. D'ailleurs les quotas pêchés n'intéressent pas le citoyen algérien mais ceux qui participeront à la campagne [de pêche]. Même si nous avions pêché notre quota, il serait destiné à l'exportation. Ce sont ceux qui participent à la campagne qui récolteront les dividendes de cette pêche», a-t-il ajouté. L'Algérie ne perd rien, dit le ministre, tout en ajoutant étonnamment que «l'Algérie n'avait pas pu pêcher son quota de thon l'année dernière à cause du manque de bateaux adéquats. Cette année elle compte participer [à la campagne de pêche] grâce aux navires dont l'acquisition a été financée par les différents programmes de relance et de soutien du secteur». L'Algérie finance-t-elle des privés pour qu'ils récoltent seuls les dividendes ? Cette activité ne génère-t-elle pas de l'emploi ? Pourquoi le quota n'intéresserait-il pas les citoyens ? Les Algériens ne consomment-ils pas le thon conditionné et importé ? Le résultat est là : en 2011, l'Algérie ne pourra pêcher que 198 tonnes de thon contre 680 durant l'année 2010. Qui est responsable de cette défaillance ? Qui en fera les frais de ce manque à gagner pour l'économie nationale ? H. Y.