Photo : S. Zoheir Par Abdelkrim Ghezali Au lendemain de l'indépendance, l'Algérie avait hérité d'un parc immobilier déséquilibré aussi bien entre les villes qu'entre les quartiers d'un même ensemble urbain. Les grandes agglomérations, les villes et les quartiers dominés par les colons étaient modernes, bien structurés et aménagés avec toutes les commodités et les structures sociaux-éducatives et administratives, alors que le reste des habitations où s'agglutinaient les «indigènes» étaient vétustes, sans charme, ni assainissement, ni eau courante, ni électricité. Quant aux villages et hameaux d'avant l'occupation coloniale, ils n'ont pas changé depuis la nuit des temps. En 1962 et même au-delà jusqu'aux années soixante-dix, les Algériens vivaient encore dans des cavernes, dans des tentes et des gourbis où l'insalubrité et les maladies sévissaient et faisaient des ravages parmi les populations. L'Etat s'est donc retrouvé face à un défi stratégique d'autant plus que les moyens de le relever étaient minimes. Après le processus de nationalisation, de l'industrialisation et de la réforme agraire, un vaste plan de logement est lancé pour améliorer les conditions d'habitation des populations dont la majorité a accepté tous les sacrifices pour le recouvrement de l'indépendance nationale. Des cités ont commencé à prendre forme à la lisière des grandes villes avant de s'étendre aux villes moyennes et villages. Le projet des mille villages agricoles devant sédentariser les paysans et relancer l'agriculture est lancé dans toutes les campagnes d'Algérie. Il s'agissait, à travers ces efforts, de parer au plus urgent en offrant un logement décent aux familles qui vivaient en grand nombre dans des habitations vétustes, traditionnelles et dans des bidonvilles insalubres. Cependant, l'offre n'a jamais réussi à dépasser la demande qui était immense. Au-delà des difficultés objectives à satisfaire les exigences d'une modernisation de l'urbanisme et de l'habitat, des comportements cupides et de prédation ont souvent détourné des logements sociaux et privé ainsi des familles qui étaient dans le besoin. En fait, la distribution non équitable des logements a exacerbé la crise dans une société à tradition nataliste. L'explosion de la croissance démographique dans les années soixante-dix et quatre-vingt a mis les autorités face au même défi des années soixante. Autrement dit, la croissance du secteur du bâtiment a été plus lente que la croissance démographique. La période du terrorisme a été caractérisée par un déplacement de populations des zones à risque vers des zones plus sécurisées. Ce phénomène a accentué la crise du logement et a enlaidi les villes qui ont vu le nombre de bidonvilles se multiplier. A chaque séisme dévastateur et autres catastrophes naturelles, d'importants quotas de programmes de logements sociaux sont réquisitionnés pour répondre aux besoins urgents des sinistrés. Le phénomène des émeutes pour le relogement a aussi pris de l'ampleur ces dernières années pour «justifier» le «détournement» de logements destinés à des familles sur la liste d'attente depuis des années. Au début des années 2000, le programme AADL a été élaboré à la fois pour diminuer la pression de la demande de logement et pour reconstituer la classe moyenne qui avait dépéri. Les EPLF ont été créées pour le même objectif, mais aussi pour promouvoir un logement de meilleure qualité. Le LSP et le logement rural sont venus pour soutenir la politique publique du logement. A partir des années quatre-vingt, l'autoconstruction a été encouragée pour répondre à la forte demande et pour alléger les efforts publics aussi bien en termes financiers qu'en délais de réalisation. Cependant, si l'autoconstruction a été utile en ce sens qu'elle a permis à des familles d'acquérir une assiette et de bâtir des maisons décentes en fonction des moyens propres de chaque famille, la forte demande et l'absence d'un réel plan directeur, de cahier des charges et d'une loi qui impose des conditions strictes de constructions, ont ouvert la voie à un développement anarchique des villes et villages, au dépérissement des terres agricoles et à un étranglement des agglomérations. La part du secteur privé dans le bâtiment n'est que de 5%. Mais peu de promoteurs immobiliers proposent une architecture moderne et un plan urbanistique viable de nature à servir d'exemple pour le développement des villes.