De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani La conserverie de Boutheldja, dans la wilaya d'El Tarf, a été fermée par la force, par le président de la coopérative régionale spécialisée en culture industrielle Carsci, propriétaire de l'usine qui est mise à la disposition d'un investisseur turc par une convention de prestation de services depuis 2005. La Sarl King Food, qui exploite cette conserverie emploie 24 ouvriers permanents et de 250 à 300 autres saisonniers et transforme selon les récoltes de la région entre 12 000 et 18 000 tonnes de tomates fraîches par an. Le conflit qui a éclaté récemment entre les deux parties a trait aux termes de la convention qui prend fin le 31 décembre 2010 et qui ne seraient pas respectés par l'investisseur. Selon le président de la Carsci, le prix de la prestation fixé à huit millions de dinars par an serait en deçà de ceux pratiqués ailleurs et qu'il faudrait réviser à la hausse et la Sarl King Food n'a pas tenu ses engagements quant à la déclaration des ouvriers auprès de la Cnas comme, il n'a pas été également procédé à la souscription à l'assurance de l'usine contre les incendies et les catastrophes naturelles qui constituent un grand risque pour ce site de production. La conserverie que nous avons visitée, hier, était à l'arrêt et tous les accès étaient bloqués par de grosses pierres et objets de toutes sortes ; les camions chargés de boîtes de conserve étaient stationnés à l'intérieur et rien n'entrait ni ne sortait. Les employés n'ont pu rejoindre leurs postes de travail et le responsable de la production attendait dehors. Les adhérents de la Carsci empêchaient toute personne de s'approcher du portail, menaçant quiconque oserait pénétrer à l'intérieur de l'usine. Le patron que nous avons réussi à joindre nous a déclaré que tout ce qui a été dit concernant le non-respect de la convention par la Sarl King Food est faux et qu'il s'agit d'un conflit fabriqué de toutes pièces pour bloquer la production «Concernant la déclaration des ouvriers permanents et saisonniers, nous avons parfaitement respecté les termes de la convention, nous avons remis les montants nécessaires à la Carsci, seule habilitée à déclarer les ouvriers puisque nous ne sommes pas les employeurs et nous avons les documents nécessaires pour le prouver. L'assurance de l'usine a été souscrite auprès de la CRMA mais celle-ci, l'année dernière, quand un incendie s'est déclaré dans l'usine, n'a pas voulu nous rembourser du fait que les comptes de la Carsci sont bloqués parce que étant redevable envers les impôts de plusieurs millions de dinars. Le prix de la prestation est fixé par la convention signée par ce même président et donc s'il y a révision, il faudra attendre que la présente convention arrive à expiration», nous dit-il. Selon nos informations, le patron de la Sarl King Food compte se délocaliser pour aller s'installer dans une autre wilaya où les conditions de travail sont plus «favorables». Hier, la situation était montée d'un cran, suite à l'arrivée en force de dizaines de membres de la Carsci, appelés à la rescousse par les gardiens de la conserverie qui leur avaient signalé l'intention de l'investisseur de forcer le portail de l'usine et d'y entrer par la force. D'un côté, des employés qui veulent rejoindre leurs postes de travail, et de l'autre, des adhérents de la Carsci prêts à en découdre avec eux. L'arrivée de la Gendarmerie nationale avait dissuadé les uns et les autres, mais selon toute vraisemblance, rien n'a été encore réglé. Les deux parties en conflit, chacune convaincue de son bon droit, ne veulent pas lâcher prise. Les forces de sécurité n'étaient toujours pas intervenues, hier, pour faire dégager les accès de la conserverie, attendant des ordres qui ne venaient pas. L'investisseur turc dit que devant ce qui se passe, la solution serait la délocalisation pour en finir une fois pour toutes avec ces problèmes. Une délocalisation porterait un coup fatal à la culture de la tomate industrielle dans la région, puisque cette conserverie est la seule à y être implantée. Et il n'y a pas à notre connaissance de repreneur en vue. En effet, en haute saison, des centaines de postes d'emplois sont créés, ouvriers agricole, chauffeurs, transporteurs, saisonniers et autres prestataires sont à l'abri du chômage, du moins pendant quelques mois. Rappelons que la région d'El Tarf souffre d'un chômage endémique qui donne lieu à de violentes manifestations de jeunes des différentes localités de la wilaya. Ainsi, il y a près d'une semaine, la population de Boutheldja est descendue dans la rue et a bloqué les routes pour protester contre le chômage et réclamer du travail. Il avait fallu l'intervention des forces de l'ordre pour la disperser et rétablir la circulation.