La crise politique qui mine l'Autorité palestinienne ne peut plus être cachée aux Palestiniens qui assistent désarmés aux luttes intestines entre ceux qui sont censés les défendre pour disposer d'un Etat libre et indépendant. Après l'exclusion de Mahmoud Dahlan des réunions du comité central du Fatah, le 28 décembre dernier, soupçonné de corruption et d'enrichissement illicite, c'est au tour d'un autre haut cadre du mouvement palestinien de jeter l'éponge. Il s'agit de Abou Maher Ghoneim, secrétaire du comité central de ce mouvement palestinien, qui a déposé sa démission de la présidence du comité d'audience de la commission chargée justement d'enquêter sur Mahmoud Dahlan qui se serait réfugié en Serbie, selon l'association France-Palestine solidarité. L'information sur la démission de M. Ghoneim, si elle venait à être confirmée, a été donnée par le journal égyptien le Septième Jour qui a révélé dimanche que «la démission d'Abou Maher Ghoneim de la présidence du comité est venue en marge du transfert du rôle de la commission de l'audience dans des affaires personnelles (par Mahmoud Abbas) à celui de la commission d'une enquête sur des questions développées vers une crise au sein du mouvement Fatah dans des conditions défavorables». Selon le journal égyptien, «un rapport de la commission qui enquête sur les accusations portées contre Dahlan est prévu d'être publié le 14 de ce mois en cours [janvier]», ajoutant que les membres de cette commission d'enquête après la démission d'Abou Maher sont Azzam al-Ahmad, Othman Abou Gharbia et Sakher Bseiso. La suspension de Mahmoud Dahlan n'est pas le fait du hasard car, depuis plusieurs mois, ses relations avec Mahmoud Abbas se sont détériorées. Le président de l'Autorité palestinienne a même ordonné de baisser le niveau de sécurité préventive dont bénéficiait M. Dahlan, en réduisant le nombre de policiers qui assurait sa sécurité autour de sa villa à Ramallah, en Cisjordanie. Mahmoud Dahlan serait soupçonné de former une nouvelle milice en Cisjordanie, d'après les médias israéliens citant des sources palestiniennes anonymes proches du mouvement Fatah. De l'autre côté, des proches de Dahlan affirment que l'éviction de celui-ci est motivée par d'autres raisons liées au fait que ce haut cadre du Fatah commençait à gêner les intérêts de certains dirigeants du Fatah et de l'Autorité palestinienne. Des médias palestiniens affirment que Dahlan dispose de suffisamment de preuves mettant en cause de nombreuses personnalités politiques palestiniennes dans des affaires de détournement d'argent et de trafics en tous genres. Le journal palestinien Qods Press a rapporté que des proches de Dahlan seraient eux-aussi en possession des documents «très dangereux», et ils pourraient renverser toute l'affaire, surtout que cela concerne de hauts dirigeants de Fatah, a repris le Centre palestinien de l'information (CPI) proche du mouvement islamiste Hamas. Les partisans de l'ancien patron des services de contre-terrorisme dans la bande de Ghaza, considérant qu'il s'agit d'un complot ourdi par Mahmoud Abbas, affirment qu'ils n'ont pas l'intention de rester «inactifs» devant les accusations portées contre leur leader, «faisant allusion indirectement à ce qu'a détecté l'ancien officier des renseignements palestiniens, Fahmi Shabana, contre Rafiq al-Husseini qui a été filmé dans une situation non morale avec une fille, où le premier a déclaré être en possession de documents condamnant de hautes personnalités de l'Autorité», a ajouté le CPI. L'exclusion de Mahmoud Dahlan et la démission surprise d'Abou Maher Ghoneim ne sont que l'illustration du conflit qui mine les instances dirigeantes du Fatah et de l'Autorité palestinienne, déjà en guerre ouverte depuis 2007 avec son frère ennemi le Hamas. Pour rappel, le mandat du président palestinien Mahmoud Abbas a expiré depuis fin 2009. Des élections générales devaient être organisées à la mi-2010, mais en raison, explique-t-on, de la guerre d'agression israélienne contre la bande de Ghaza durant l'hiver 2008-2009, M. Abbas a été maintenu à son poste. L'espoir d'une relance des pourparlers directs a aussi contribué à son maintien à la tête de l'Autorité palestinienne, sous la pression diplomatique de Tel-Aviv et de Washington qui affirment voir en lui la personne idéale pour discuter de paix israélo-palestinienne. Le Hamas, considéré comme organisation terroriste, a été éliminé d'avance du terrain des négociations. Ce mouvement est favorable à la reprise des armes contre l'occupation sioniste qui, selon lui, ne veut pas la paix mais cherche à rayer la Palestine de la carte de la région. Profitant des difficultés dans laquelle patauge l'Autorité palestinienne, Tel-Aviv accélère le rythme de travail dans les chantiers de construction des nouvelles colonies israéliennes en Cisjordanie et dans la partie orientale d'El Qods occupées. Au final, ce sont les populations palestiniennes expropriées ou vivant dans les camps de réfugiés qui font les frais des fâcheuses conséquences de cette guerre interPalestiniens. Autrement dit, la crise politique au sein de l'Autorité palestinienne éloigne toute perspective de création d'un Etat palestinien autonome, libre et indépendant, malgré les efforts déployés par certains dirigeants du Fatah pour la proclamation de l'Etat avant la fin de l'année en cours. L. M.