Photo : Riad Par Amirouche Yazid Le pays s'embrase depuis mercredi dernier pour contester une augmentation vertigineuse des prix de certains produits de large consommation. La cause est donc socioéconomique dans le sens où les Algériens refusent une telle hausse des prix expliquée -sans conviction - par des officiels comme étant l'effet direct des marchés internationaux. Ces émeutes rappellent, au-delà de leur portée sociale, la triste réalité politico-syndicale du pays. Sans vie politique réelle et représentative, le pays ne peut guère offrir autre chose que l'émeute et la psychose. C'est incontestablement ce néant qui donne naissance à ce genre d'expression. A force d'étouffer tous les espaces politique et syndical de nature à résoudre les conflits, les gens n'ont comme recours que ce genre d'action. Ce n'est pas le rituel partisan des appareils sans connexion avec la population qui ferait croire à une vie politique réelle dans le pays. Remplacés par des réseaux de clientélisme et de distribution de la rente, ces espaces politiques ne remplissent plus leur mission. Ils ont même perdu toute leur substance politique pour se découvrir de nouveaux «rôles». Il est ainsi difficile de voir de véritables représentants du peuple au sein des instances de décision, aussi bien dans la quasi-totalité des formations politiques que dans les Assemblées populaires souvent élues de manière apolitique. Cette situation a vite signé la rupture entre le citoyen et les instances censées le représenter et défendre ses droits. Ce que vit le pays actuellement est manifestement la conséquence d'un vide politique qui a fait oublier aux décideurs l'obligation d'écouter le citoyen. Ce dernier n'a pas, par ailleurs, manqué l'occasion de rappeler son existence à ces dirigeants qui vivent nettement au-dessus de la moyenne nationale. La faillite des «politiques» se situe également dans cette incapacité à voir venir s'exprimer une colère populaire latente depuis un certain moment. Cette colère intériorisée a fini par se manifester sur les places publiques. Le vide politique, de mise depuis plusieurs années, a retiré aux instances et institutions toute capacité d'agir. Elles sont transformées en corps sans âme, juste utiles pour «bouffer» l'argent public dans une conjoncture d'embellie financière jamais vécue et qui tend à durer sans que cela se répercute sur le bien-être des Algériens. Loin de toute paresse intellectuelle, qui dessine, comme à l'accoutumée, des complots, des manipulations claniques et autres luttes au sérail, des citoyens algériens viennent exprimer leur exaspération de vivre un marasme social au moment où l'Etat gère une aisance financière. Dans la vie de toute société, cette exaspération populaire ne peut être saisie que par des acteurs politiques et syndicaux. La disparition de ces acteurs, ou leur musellement dans certains cas, favorise l'expression à laquelle ont eu recours les jeunes des quatre coins du pays pour protester contre la cherté de la vie. Le rôle des espaces de médiation, traditionnellement occupés par des politiques et des syndicalistes représentatifs, ne saurait être assuré par l'énigmatique société civile.