Photo : Riad Par Amirouche Yazid Face à la récurrence de la flambée des prix à l'approche du mois de Ramadhan, les autorités décident d'une manière tout aussi récurrente de prendre des mesures de coercition et de dissuasion. La promesse est dès lors faite de maîtriser le marché aussi bien en matière de prix qu'en termes d'hygiène. Le ministère du Commerce hausse chaque année le ton sans pour autant neutraliser une augmentation vertigineuse des prix, qui, manifestement, contourne toutes les mesures. Opérant loin de tout contrôle, les commerçants adoptent souvent une hausse des prix des fruits et légumes. Cette hausse est constatée y compris dans les commerces communément appelés informels. Surpris par cette flambée injustifiée, les consommateurs subissent la loi des vendeurs. Les ménages sont ainsi tenus de réduire leurs dépenses pour pouvoir affronter, quelques jours plus tard, une rentrée scolaire et son lot de dépenses en vertigineuse hausse. La parenthèse des prix abordables de certains produits alimentaires n'a en effet pas duré longtemps. Pourtant, l'Exécutif avait décidé, il y a quelques mois, d'investir le ministère du Commerce de la mission de contrôler et d'intervenir pour fixer les prix et les marges bénéficiaires pour «toutes les marchandises et les produits industriels et agricoles, les produits importés, y compris l'huile et le sucre, ainsi qu'un certain nombre de services, afin qu'ils soient plafonnés et à l'abri de la spéculation». Un décret expliquait, dans le même esprit, que des dispositions exceptionnelles peuvent être prises pour fixer les prix et les marges bénéficiaires, notamment en cas de hausse importante en raison de tensions sur le marché, ou en cas de crises ou de difficultés chroniques dans l'approvisionnement dans un secteur d'activité, ou dans une région géographique, ou en cas de monopole normal, lorsqu'une entreprise s'adjuge une activité ou se spécialise dans une marchandise ou un produit donné. La réalité des marchés contraste manifestement avec les intentions des officiels. L'ambiance sur les marchés de la capitale en ces jours de carême est loin d'être ordinaire, aussi bien chez les consommateurs que chez les vendeurs. Un couffin à la main, les pères et mères de famille s'y rendent avec beaucoup d'appréhensions quant au tarif des différents produits alimentaires, particulièrement ceux de large consommation. La cherté des produits est visiblement la hantise des citoyens. Ils demandent le prix avant chaque achat. Au marché de Belouizdad, le consommateur «est au ralenti», contrairement aux prix des fruits et légumes qui sont en perpétuelle hausse durant la même journée. La mercuriale semble affaiblir le volume des achats. «Combien coûte le haricot ?» demande timidement une vieille femme au jeune vendeur qui n'arrive plus à répondre aux interrogations des acheteurs. «90 DA, madame», lui répond-il. La cliente ne bronche pas. Elle a jugé le prix excessif. Arrive un quinquagénaire en quête de courgettes. «70 dinars le kilo», lui signifie le vendeur. Après quelques minutes de réflexion, il demande un kilo pour ne pas rentrer bredouille. La hausse des prix a manifestement poussé les consommateurs à mieux contrôler leurs achats même si, parfois, ils sont tenus de se passer de l'essentiel. «Il n'y a que l'oignon qui soit abordable, le reste est excessivement cher», annonce une vieille femme à sa petite-fille. La vieille se rappelle la mercuriale : les haricots verts de 80 à 100 DA, l'ail à 120 DA, la courgette de 60 à 70 DA. Chez le boucher du coin, c'est la véritable ruée. Le propriétaire vient d'engager de nouveaux employés pour répondre à la demande. Un passant n'hésite pas à souligner le changement opéré sur le prix de la viande fraîche. Il y a aussi ceux qui sont plus pressés d'acheter des chaussures à leurs petits à quelques jours de la rentrée scolaire plutôt que de se laisser emporter par la fièvre des prix des légumes. Au marché dit Clauzel, au cœur d'Alger, le constat est identique avec néanmoins le danger que constitue l'insalubrité des lieux. Avec une benne à ordures placée juste à l'entrée du marché, le consommateur est exposé à tous les dangers. À quelques mètres de cette benne-poubelle, un policier est intervenu auprès d'un livreur de viande sans le moindre élément d'hygiène mais sans aller au bout de son devoir consistant à protéger le citoyen. Il s'est contenté de dire au vendeur que «sa marchandise devrait être saisie». La vente des boissons renseigne manifestement, plus que les autres produits, sur l'impact des mesures prises par le gouvernement. Dans ce secteur, il n'est pas si difficile de croire que «tous les moyens sont bons pour proposer un sachet de jus» dont la fabrication demeure la grande inconnue. La pratique tend à se banaliser et les services d'hygiène doivent sévir parce qu'elle constitue un véritable danger. «Si les autorités persistent à laisser le climat actuel dans le flou, les producteurs agréés prédisent un avenir sombre pour la filière», ne cessent d'avertir des producteurs. Le constat établi est alarmant : «L'activité cache un véritable maquis qui échappe à tout contrôle. La filière est prisonnière de son environnement direct : informel, contrefaçon et concurrence déloyale», notait récemment un producteur. Des chiffres ont été ainsi révélés pour illustrer la propension prise par la contrefaçon dans ce domaine. Sur les 1 627 producteurs de boissons implantés à travers le territoire national et recensés par le Centre national du registre du commerce, seulement 500 à 600 sont réellement de véritables producteurs. «Le marché pullule désormais de zones de contrefaçon. Un travail illégal qui se traduit par l'utilisation de bouteilles de marques connues et de breuvages douteux», remarquera le propriétaire d'une limonaderie située dans la vallée de la Soummam. De telles opérations ne sont pas sans générer une déréglementation des lois du marché. Car un produit né d'une contrefaçon engendrera inéluctablement une baisse du prix. Cette dernière n'est pas le fruit d'une quelconque compétitivité, mais elle est plutôt la résultante d'un produit illégalement fabriqué et frauduleusement mis sur le marché. Une fois contrefaits, des produits gagnent leur place sur le marché, lequel perd forcément les règles de tarification.