Photo : Riad De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar S'il est vrai que tous les citoyens sont unanimes à dénoncer la forte spéculation qui enflamme le marché des produits de première nécessité, il est tout aussi vrai qu'ils désapprouvent ouvertement les méthodes des jeunes casseurs qui s'attaquent depuis quelques jours déjà aux biens publics. En brûlant les postes et les agences des services des eaux, de l'électricité et du téléphone, les «insurgés» ont naturellement rajouté une bonne couche aux nombreux problèmes quotidiens des populations. Cette manière de faire a également engendré la fermeture de tous les axes routiers aux usagers, ce qui, à terme, risque de perturber l'approvisionnement de plusieurs localités de l'arrière-pays en vivres et en énergie. Ceci, sans parler des mille et une difficultés éprouvées par tout un chacun pour évacuer un malade, rejoindre son poste de travail ou se rendre à un rendez-vous. Les actes de vandalisme qui ont également enlaidi l'espace urbain (abribus arrachés, lampadaires sabotés, trottoirs défoncés et arbres coupés) ne sont pas pour plaire au commun des gens qui ont eu déjà à souffrir durant longtemps de ce manque des commodités les plus élémentaires. Les réactions des citoyens à ce sujet se ressemblent et se rejoignent. «Un pas en avant, puis quatre en arrière. On a l'impression d'avancer à reculons. La casse ne règle rien aux problèmes posés. Elle profite au contraire aux voleurs et aux arnaqueurs. Les jeunes doivent impérativement agir avec plus d'intelligence pour gagner cette bataille contre les spéculateurs et les barons du marché noir», dira Rachid, enseignant de son état, qui regrette la démission de la société civile et des parents. «Sur le fond, on est tous d'accord sur la cherté excessive des produits de base. Dans la forme, ce combat pour la transparence et la régulation du marché n'a pas été encadré, d'où la dérive qu'on est en train de vivre ces jours-ci. Les associations, les syndicats et les partis politiques n'ont rien fait pour soutenir la voix des foyers démunis. Leur silence a laissé le champ libre aux manipulateurs et aux escrocs qui exploitent ouvertement la naïveté des adolescents afin d'échapper encore une fois aux lois», estime Abdelkader, un simple agent d'administration à la Sonelgaz. Saïd, militant associatif, évoque l'usure de la représentation sociale et politique de la Kabylie. «Les élites militantes et politiques qui ont de tout temps porté les revendications socioculturelles de la région se sont laissé doubler par les aventuriers et les délinquants. C'est la chose que je regrette le plus dans tout ce chaos, car il y va de l'émancipation de l'ensemble de la population. Depuis avril 2001, on ne cesse de sombrer dans l'infantilisme. Cette descente aux enfers doit être impérativement stoppée», tient-il à prévenir en soulignant, au passage, qu'aucune conscience saine ne peut accepter que les biens de la collectivité soient ainsi brûlés et pillés au su et au vu de tous.