De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad La tension est perceptible à travers les rues de la ville de Tizi Ouzou, mais beaucoup moins dans les autres localités de la wilaya, où la population a été presque surprise par l'ampleur et la violence des émeutes qui ont éclaté ces derniers jours dans l'Algérois, quoique les conditions d'un tel chaos soient réunies depuis des années déjà. Dans son ensemble, la population de Kabylie est beaucoup plus branchée sur ce qui se passe, depuis quatre jours, au niveau des foyers durs de la protesta en Algérie, que sur les échanges d'hostilités entre groupes de jeunes et éléments de la police antiémeute dans quelques artères de la ville de Tizi Ouzou et depuis hier après-midi dans quelques autres chefs-lieux de daïra de la région. A ce rythme, l'émeute ne risque pas de faire tache d'huile à travers les localités de la Kabylie à en juger par l'absence de la majorité des «marginalisés» et des «exclus» de la société tels les milliers de diplômés universitaires sans emploi, les jeunes sortis des centres de formation qui se retrouvent sans boulot, les chômeurs «vétérans» qui survivent d'emplois précaires et indignes, en plus du non-encadrement de la violente protesta par les partis politiques et les organisations syndicales et celles se revendiquant de la citoyenneté en Kabylie. Jusqu'à hier, à Tizi Ouzou, on fait beaucoup plus dans le commentaire et le suivi de ces événements dramatiques à travers les divers médias algériens et étrangers, sans s'impliquer dans l'action des jeunes révoltés, notamment au chef-lieu de wilaya. Sur le terrain, des échauffourées restent jusqu'à présent isolées et d'une intensité en deçà de la déferlante des émeutes sanglantes qui ont eu lieu durant les événements du «Printemps noir» de 2001. C'est peut-être aussi le fait que cette révolte semble désorganisée et d'une violence sans distinction nette de cibles, sans contenu revendicatif ou politique par rapport aux précédentes contestations. Dans son ensemble, la population n'a pas été emballée par cette nouvelle montée de la protestation dans une Kabylie habituée au pire dans des circonstances politiques et sociales autrement plus graves. «La Kabylie n'a pas pour habitude de casser d'abord puis de revendiquer ensuite, l'organisation des masses lors des révoltes a toujours prédominé les mouvements sociaux qu'a connus la région par le passé», nous affirme le responsable d'une association culturelle de Tizi Ouzou qui dit ne pas s'attendre à cette flambée de la violence en ce moment précis, sachant que les ingrédients d'un tel soulèvement, à Alger par exemple, étaient visibles depuis des années. «Je soupçonne une machination politique à base d'intérêts énormes derrière ce qui arrive dans la capitale Alger. Il y a de la provocation, c'est sûr, les jeunes sont encore une fois utilisés comme chair à canon», pense-t-il, avant d'inviter les émeutiers à s'organiser et à se prendre en charge pour éviter le pire. Un autre commerçant de la ville s'interroge sur les «motivations de ces casseurs qui s'en prennent à d'honnêtes citoyens qui ont bâti leur commerce à la sueur de leur front», allusion aux actes de saccage et de pillage de commerces dans l'Algérois, selon plusieurs médias algériens et étrangers. Son collègue voudrait aussi comprendre pourquoi ils agissent la nuit et à visage encagoulé si «réellement ces jeunes savent ce qu'ils veulent et ne sont nullement envoyés par leurs maîtres de l'heure».