Le calme et la sérénité sont de retour au pays après une semaine de troubles et d'incertitudes. Ce n'est cependant pas un moment de passage pour une vie meilleure. C'est d'ailleurs ce sentiment de désespoir qui a amené des milliers de jeunes - de différents profils sociaux - à investir la rue et à exprimer leurs privations de manière brutale. Le gouvernement peut se féliciter d'avoir réussi à éteindre une colère sociale au prix de quelques mesures techniques à durée limitée et aux conséquences imprévisibles. Le procédé ne rétablira pas sans doute la confiance entre les dirigeants et le citoyen. Bien au contraire, il nourrit le ressentiment chez les gouvernés. Ces derniers se trouvent ainsi bien servis pour penser que les décideurs ne regardent vers le bas que quand il y a risque de basculement. Le malaise socio-économique qu'exprime le pays est manifestement la conséquence de la faillite de la gouvernance publique inapte à fructifier l'embellie financière de l'Etat pour garantir un minimum de bien-être au peuple. Cette tendance à exclure le citoyen de l'élaboration de toute politique est vérifiable dans l'échec qui marque tous les départements à tel point que les contestations sont souvent incomprises. Que ce soit dans l'éducation nationale, dans la santé publique ou dans le secteur de la jeunesse, les dirigeants ne savent plus écouter les doléances des citoyens exprimées sous multiples formes. Ce qui génère constamment de faux diagnostics sur des revendications légitimes insatisfaites pendant plusieurs années. Cette tentation à exercer le pouvoir sans le citoyen semble amener des dirigeants à créer, comble de blasphème, «le citoyen utile», qui empêche la révolte, du «citoyen destructeur». Les émeutes de janvier 2011 sonnent manifestement comme un avertissement contre tant d'exclusions et de marginalisation subies par une bonne partie d'Algériens lessivés par tant de promesses non tenues et une gestion des affaires publiques qui tend à s'éloigner davantage de la demande citoyenne. Les exclus du système et de la réflexion ont fini néanmoins par se faire entendre bien que leur message soit difficile à décrypter à force de vouloir lâcher plusieurs vérités dans un même câble. Ils sont présentement intégrés dans la réaction, après avoir été longtemps «oubliés» dans l'action et la réflexion gouvernementale. Les récentes émeutes de l'Algérie réelle invitent les décideurs à voir le citoyen comme un acteur essentiel dans l'action et pas comme un alibi de réaction. Cela éviterait à l'autorité de recourir à la brutalité et au renoncement des mesures qu'elle a déjà prises. Sans peut-être attendre les premières prophéties du très attendu ministère de la Prospective et des Statistiques. A. Y.