Alors que les jeunes investissaient, par la violence et le vandalisme, les rues d'Alger, et de Annaba à Oran, tel un ouragan détruisant tout sur son passage, et que la contestation sociale menaçait de s'étendre à l'ensemble des villes du nord du pays, les institutions politiques nationales, elles, donnaient l'impression d»être en week-end prolongé. Les membres du gouvernement, les députés, les sénateurs, généreusement rétribués par l'argent du contribuable, ont brillé par leur absence sur le terrain durant ces moments difficiles. Une banale déclaration dans le meilleur des cas qui apporte, en fait, plutôt la preuve que nos institutions politiques n'ont rien à dire parce qu'elles sont dépassées. Ce beau monde qui se dispute d'ordinaire la parole aux hémicycles du Parlement national et du Sénat, souvent quand il n'a rien à dire, et qui fait dans la langue de bois devant les caméras de télévision, a-t-il perdu la parole, précisément quand il fallait parler ? Où ont donc disparu ces membres des APC et des APW, ces «représentants du peuple» qui ont fait de la jeunesse un élément de campagne électorale ? Où sont ces partis politiques qui détiennent, selon leurs dires, la solution-miracle aux problèmes sociaux du pays pour sortir les jeunes de leur isolement, de leur désespoir ? Là encore un petit communiqué, histoire de se donner bonne conscience ou de montrer qu'on existe. Un silence étrange qui cache mal une certaine crainte de ne pas se mouiller dans ces événements. Ceux qui se réclament de l'opposition ont été les seuls à investir une scène politique bizarrement désertée. Pour jeter de l'huile sur le feu ! Comme en pareilles difficultés, on laisse la police faire le travail à sa place. Un face-à-face donc entre les 16/18 ans et les policiers, parfois des enfants de leurs propres quartiers, dont l'âge n'est que légèrement supérieur à celui des adolescents de Bab El Oued et de Belouizdad. La classe politique observe donc. En spectatrice. Elle donne l'impression d'attendre que le travail soit terminé, grâce au sacrifice et à la remarquable retenue des jeunes policiers. Une classe politique qui observe le retour au calme d'une jeunesse lassée de l'immobilisme «hittiste» et attend la fin de cet épisode, une fois les rues nettoyées par les jeunes équipes de Asrout et Netcom, des salariés qui, eux, travaillent durs et paient leurs impôts. Nos élus, nos députés et nos sénateurs, ces représentants du peuple qui ont su négocier, la plupart du temps de nuit et en cachette des salaires faramineux et des retraites dorées après un petit mandat dans l'une des deux chambres, n'ont pas su plaider le prix du sucre, n'ont pas osé la moindre sortie sur le terrain politique, n'ont pas osé s'adresser directement à ceux qui sont censés les avoir choisis parmi les meilleurs candidats à la représentativité parlementaire. Parce qu'ils n'ont rien compris à leur pays. Il faut, toutefois, à leur décharge, leur reconnaître une bonne raison de se faire si discrets. Leurs compatriotes, la jeunesse algérienne surtout, les connaissent trop bien. Inutile d'entrer dans les détails.