C'est fini. Zine El Abidine Ben Ali ne peut plus aspirer à retrouver son trône. En plus de la rue qui a eu à en découdre avec lui, ne voulant plus en entendre parler, c'est le Conseil constitutionnel qui a mis fin à la confusion. Pas question de prendre en considération «l'incapacité provisoire de Ben Ali à assumer ses fonctions» et mettre en application l'article 56 de la Constitution. Lequel dispose qu'«en cas d'empêchement provisoire, le président de la République peut déléguer par décret ses attributions au Premier ministre à l'exclusion du pouvoir de dissolution de la Chambre des députés […] ». Avant de prendre la poudre d'escampette, le Président déchu a pris un décret nommant Ghannouchi comme son intérimaire. Mais la rue tunisienne n'en a pas démordu en disant qu'elle ne voulait pas non plus du Premier ministre comme président. Car il fallait en finir avec l'ensemble du système de Ben Ali. Et c'est dans ce cadre que les événements se sont de nouveau accélérés, puisque le Conseil constitutionnel a décidé à la majorité de déclarer la vacance du Président et désigné le premier responsable de la Chambre des députés, Fouad Mebazaa, comme intérimaire conformément à l'article 57 de la loi suprême de la Tunisie. Cela en attendant l'organisation d'une élection présidentielle dans un délai n'excédant pas les soixante jours. Le président intérimaire a prêté serment hier devant la Chambre des députés et fait une courte allocution dans laquelle il s'est engagé à ce que «tous les Tunisiens sans exception et sans exclusive seraient associés au processus politique». Ce même intérimaire a chargé Ghannouchi, Premier ministre, dont le gouvernement a été remercié mais qui revient quand même, de former un nouvel Exécutif. Il a d'ores et déjà engagé des consultations avec la classe politique tunisienne et dont les résultats seront connus, d'après l'opposition, dès aujourd'hui. Cependant, le retour aux commandes du Premier ministre, même momentanément, n'est pas pour plaire aux Tunisiens qui estiment que le départ de Ben Ali n'a pas entraîné celui du régime qu'il avait instauré il y a vingt-trois ans après avoir déposé Habib Bourguiba. Et c'est toute la question de la transition démocratique qui reste posée, notamment par rapport aux prétendants potentiels à la magistrature suprême. En effet, le code électoral tunisien fait obligation à toute candidature d'être présentée individuellement ou collectivement par 30 citoyens membres de la Chambre des députés ou présidents de conseils municipaux. La déclaration de présentation du candidat doit être établie sur papier libre et comporter les signatures légalisées. Il se trouve cependant que la Chambre des députés et les conseils municipaux sont à majorité du parti du président déchu, donc du même régime. Les Tunisiens devraient donc songer à apporter des changements juridiques pour réussir la véritable transition démocratique. En attendant, l'état d'urgence et le couvre-feu sont maintenus sur l'ensemble du territoire. F. A.