Photo : Riad Par Amel Bouakba L'échec cinglant des mécanismes mis en place pour répondre aux aspirations des jeunes qui représentent plus de 70% de la population suscite d'année en année une désillusion croissante. Les jeunes n'y croient plus. Les dernières émeutes ayant secoué le pays traduisent un malaise social profond de la jeunesse, qui se sent «laissée pour compte et exclue». Une jeunesse qui s'est élevée contre la corruption ambiante, la flambée des prix, les passe-droits, le manque de logement, le chômage... et tant d'autres maux qui rongent la société. Autant dire que la confiance entre gouvernants et gouvernés n'est plus de mise. Pour la restaurer, il est nécessaire de(re)lancer les projets destinés aux jeunes, notamment ceux à la recherche d'emploi. Les dernières manifestations de jeunes un peu partout en Algérie ont montré, si besoin est, la rupture entre les citoyens et les collectivités locales. Les jeunes reprochent aux élus de ne pas être à leur écoute et de ne pas prendre leurs préoccupations en main. Ils considèrent que les APC ne jouent pas leur rôle et que la gestion locale est de plus en plus défaillante. Manifestement, les jeunes ne veulent plus entendre parler de projets fumeux, car ils se rendent compte qu'ils ont été dupés par les élus. Ils l'ont fait savoir en manifestant dans la rue. Amers, ils ont crié haut et fort leur colère et le sentiment d'avoir été trahis. Il appartient aujourd'hui aux APC de se rapprocher de leurs citoyens en mettant sur les rails des projets solides pour l'avenir d'une jeunesse longtemps sacrifiée. Les collectivités locales sont appelées à remettre au goût du jour de nombreux projets dormants pour la prise en charge des revendications de la population et d'une jeunesse en mal de vivre, sans rêve ni espoir. En toile de fond, les projets permettant d'ouvrir de nouveaux horizons, en termes d'emplois, de logements, de loisirs et de perspectives car la désillusion est terrible. L'un des projets pour lequel les jeunes ont nourri un espoir inouï est incontestablement celui, présidentiel, baptisé «100 locaux par commune». Un projet qui, faut-il le rappeler, traîne depuis des années. Des problèmes de disponibilité d'assiette foncière ou de blocage administratif sont derrière ce retard. Kamel Lamdani, 1er vice-président chargé des finances et de l'administration au niveau de l'APC d'El Achour, à Alger, estime que «la jeunesse est un enjeu fondamental de notre pays». En ligne de mire, le projet 100 locaux par commune, pour lequel une assiette foncière a été déjà dégagée au niveau de Sebbala : «Un budget de 19 milliards de dinars a été débloqué (14 milliards par l'Etat et 5 autres par la commune d'El Achour) pour la concrétisation de ce projet très attendu par la population», dit-il. Un avis d'appel d'offres sera incessamment lancé pour sa réalisation. «Une commission mixte APC-daïra sera installée pour sélectionner les bénéficiaires de cette opération», explique-t-il, affirmant que «ce sont les jeunes chômeurs de la commune qui vont en bénéficier». «Il s'agira, ajoute-t-il, de privilégier les personnes qui ont un métier (artisans) et qui sont réellement dans le besoin.» La hantise des jeunes est de voir les opportunistes, avec certaines complicités au sein des APC, s'emparer de ce projet ambitieux. Mais notre interlocuteur rassure : «tout se fera dans la transparence, avec un affichage, une annonce dans la presse… Nous sommes décidés à ce que ce projet profite aux jeunes sans revenu». Il fait part également d'une série de projets lancés au niveau de son APC. Dans le cadre de l'emploi, l'APC a ouvert, cette année, 70 postes. «Nous recevons des dossiers Ansej, qui sont traités dans le cadre d'une commission au niveau de la daïra. Chaque semaine, 6 ou 7 dossiers atterrissent chez nous pour étude et traitement. Une centaine a été validée pour la création de petites entreprises, dans différents secteurs d'activité. L'absence d'infrastructures de loisirs se fait particulièrement ressentir dans cette commune qui compte près de 50 000 habitants, dont une bonne partie de jeunes désœuvrés». Les maisons des jeunes et les centres culturels sont inexistants. Notre interlocuteur parle, en outre, du manque terrible d'associations scientifiques et culturelles. Seule bouffée d'oxygène, le stade communal d'El Achour qui devrait bientôt être doté d'un gazon synthétique. Pour ce faire, l'APC a alloué un budget de 7 milliards de centimes. «Un appel d'offres sera bientôt lancé pour concrétiser ce projet», dit-il. «Et comme l'esprit a aussi besoin de se nourrir, la réalisation d'une bibliothèque est un projet qui nous tient particulièrement à cœur et pour lequel un budget de 5 milliards de centimes a été consacré.» «L'assiette foncière existe (El Achour centre)», indique-t-il, précisant que l'appel d'offres lancé pour l'étude du projet a été infructueux et qu'un nouveau est prévu prochainement. La réalisation d'un marché communal, est l'autre projet pour lequel Kamel Lamdani milite car il permettra aux jeunes chômeurs de travailler. L'APC d'El Achour veut instaurer de nouvelles relations avec les citoyens, notamment les jeunes. D'ailleurs M. Kamel Lamdani leur lance un appel afin qu'ils se rapprochent de leur APC et exposent leurs préoccupations. Cette initiative permettrait de régler bien des problèmes si elle venait à se concrétiser et à se généraliser à toutes les communes du pays.Autre commune qui semble vouloir donner un coup de fouet à des projets longtemps oubliés pour une raison ou une autre, celle de Sidi M'hamed. Son secrétaire général, M. Salah Oubahi, évoque «un éventail de projets qui seront réceptionnés cette année», précise-t-il. Abordant le projet des 100 locaux par commune, il dira qu'il est géré par la wilaya d'Alger. «Une réunion s'est tenue il y a environ un mois (avant les émeutes) avec le nouveau wali d'Alger pour relancer ce projet et lancer un appel d'offres pour sa réalisation. Le seul hic est que la commune de Sidi M'hamed ne dispose pas de terrain. C'est pourquoi le choix s'est porté sur une assiette foncière à Aïn Bénian», explique-t-il. «La réalisation de ce projet rendrait certainement service aux jeunes chômeurs de cette commune et ils sont nombreux. Nous avons 1 500 chômeurs âgés, dans leur majorité, entre 18 et 35 ans».Pour tous les jeunes qui ne se font pas trop d'illusions sur ce projet, comme tant d'autres qui ne font pas confiance aux élus et qui craignent une distribution «opaque» des locaux, Salah Oubahi affirme : «Seuls les jeunes chômeurs y ouvriront droit, les choses vont se faire dans la plus grande clarté.»S'agissant des infrastructures pour jeunes, notre interlocuteur reconnaît que cette commune ne dispose pas de suffisamment de structures, à l'exception d'un centre culturel. Il note toutefois avec fierté la réalisation du stade communal Aïssat-Idir dont les travaux ont enregistré un taux d'avancement de 50%. Autre opération d'envergure, l'aménagement du boulevard Aïssat-Idir (espace de jeux, kiosque…). «Lieu de détente pour les citoyens, il permettra d'absorber une partie du chômage. Il est ainsi question de créer des emplois pour les jeunes : gardiennage, entretien du site…», assure M. Oubahi, avant de souligner : «Nous sommes en train de réfléchir à la création d'une coopérative de jeunes pour gérer cet espace.»L'aménagement du marché Ali-Mellah, la réalisation de marchés de proximité, notamment à Ferhat Boussaad, d'une salle omnisports, d'un complexe de proximité, avec, entre autres, un centre de formation, le réaménagement de salles de cinéma (la salle «Afrique» sera réceptionnée dans 3 mois) sont autant de projets ambitieux dont la concrétisation, à en croire notre interlocuteur, ne saurait tarder.«L'APC de Sidi M'hamed travaille en collaboration avec les associations sportives et culturelles. Elle a toujours été à l'écoute des préoccupations et des revendications des citoyens, particulièrement des jeunes». «Les portes de l'APC de Sidi M'hamed sont ouvertes et notre credo est la communication entre élus et citoyens», précise-t-il, ajoutant que «les élus qui tournent le dos à leurs concitoyens n'ont pas leur raison d'être». En somme, la réalisation de tous ces projets communaux n'est qu'une affaire de temps, selon nos interlocuteurs. De quoi redonner de l'espoir à une jeunesse en mal de vivre. Reste à savoir si les intérêts et l'opportunisme des uns et des autres ne vont pas étouffer le rêve de lendemains meilleurs.