Photo : M. Hacène De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar Dans toutes les mairies de la wilaya de Béjaïa, les imprimés du 12S se font extrêmement rares. La pénurie perdure depuis l'entrée en vigueur du projet de numérisation des documents d'identité au cours de l'été dernier. On parle, bien entendu, de l'extrait d'actes de naissance numéro 12 Spécial, une pièce administrative fondamentale, exigée pour la délivrance de la carte d'identité nationale et du passeport. Le citoyen en souffre tellement. L'agent d'état civil, qui fait face aux administrés, endure aussi dans la mesure où il est contraint de s'expliquer à chaque fois sur une situation qu'il a, lui-même, beaucoup de mal à comprendre. Les municipalités sont irrégulièrement pourvues en la matière par la wilaya, plus précisément les services de la direction de la réglementation et des affaires générales. Ces derniers reçoivent leur quota du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales. Chaque maillon de cette défectueuse «chaîne de distribution» renvoie la balle dans le camp de son fournisseur. Les APC chargent la wilaya. Cette dernière se plaint des quotas limités qui lui sont réservés par le ministère. Toute la réponse à cette question, qui taraude des centaines de milliers de citoyens, est, selon toute vraisemblance, à chercher au niveau du département de Dahou Ould Kablia. Au cours de ces 15 derniers jours, la wilaya de Béjaïa n'aurait reçu en tout que quelque 3 000 exemplaires, selon les indiscrétions d'un employé. Un faible quota qui ne peut couvrir la demande déjà exprimée dans la seule circonscription d'Akbou. «Depuis une douzaine de jours déjà, on n'a eu que 50 exemplaires. On les a délivrés en une seule journée. Aujourd'hui, on cumule 300 inscrits sur les listes d'attente», se plaint Rachid Khellaf, président de l'APC de Darguina, une petite commune de la région du Sahel. La Drag, pour remettre les fameux imprimés, exige la signature du maire ou celle de ses adjoints. «Cette procédure est évidemment contraignante pour les élus qui ont un tas d'autres problèmes à régler au niveau local. Il serait plus judicieux d'affecter un chauffeur pour livrer à chaque commune son quota au lieu de faire déplacer, à chaque fois, des dizaines d'élus et autant de véhicules», ajoute son adjoint, Ferhat Boumezoued. Interrogé récemment à ce sujet, le maire de Barbacha a également souligné l'ingratitude de cette «corvée administrative» infligée aux élus locaux. «J'ai vu des maires faire la queue devant la Drag pour se procurer cinq petits exemplaires. C'est franchement humiliant pour l'homme qu'on présente, en théorie, comme le premier magistrat de la commune», regrette Sadek Akrour qui avoue ne rien comprendre à cette fâcheuse situation. Il se pose conséquemment beaucoup de questions. «Quelle est cette fameuse imprimerie qui en détient le monopole ? Elle appartient à qui ou plus exactement qui en est le responsable ? Certains parlent d'un privé qui n'arrive plus à honorer son contrat. D'autres soutiennent l'idée d'une pénurie organisée et de manipulation. On ne sait qui croire. Les premiers concernés, le ministre de l'Intérieur en tête, se murent dans le silence», ajoute-t-il. Il va sans dire que ces dotations au compte-gouttes pénalisent énormément les administrés qui, souvent, se trouvent dans des situations d'extrême urgence. Pour une évacuation à l'étranger, des malades sont obligés de patienter au péril de leur vie. Des salariés, en attente de la délivrance de leur carte d'identité, peinent à percevoir leur salaire. De nouveaux demandeurs de la CNI parmi les jeunes, qui pour un examen, qui pour une compétition sportive, ont été obligés de revoir tous leurs plans. Le problème se corse davantage pour les citoyens non-résidents qui viennent parfois de très loin se faire délivrer le fameux sésame. Natif de la commune de Souk El Tenine et habitant depuis plus d'une décennie à Alger, Mohamed a dû réserver une chambre d'hôtel quatre jours durant pour obtenir son 12S. Des situations pareilles, il en existe par dizaines. La pression est intenable. Les autorités concernées, le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales en premier, doivent impérativement régler cette crise qui a assez duré. A défaut d'une solution, les responsables sont, au moins, tenus de s'exprimer pour expliquer le pourquoi de cette pénurie et mettre fin aux folles rumeurs et aux spéculations qui circulent à ce propos.