Photo : M. Hacène De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar Pour exposer n'importe quel problème, le citoyen s'adresse en premier lieu à l'Assemblée populaire communale, cellule de base de l'édifice institutionnel algérien. Mais, l'APC n'a pas toujours les moyens nécessaires pour répondre favorablement aux nombreuses doléances de ses administrés. Ses ressources financières très limitées, provenant exclusivement du budget de l'Etat, les prérogatives réduites des élus, la rareté du foncier et les contradictions de l'ensemble du système socio-administratif, limitent énormément son champ d'action. Faute de réponse immédiate à ses soucis, le citoyen doute souvent de la bonne foi des membres de l'exécutif communal. «Il est aujourd'hui extrêmement difficile de gagner la confiance du citoyen», témoigne Sadek Akrour, maire de la commune de Barbacha dans la wilaya de Béjaïa. Cette petite municipalité montagneuse de 20 000 habitants fait face, comme toutes les autres d'ailleurs, à un énorme déficit en matière d'infrastructures et de services publics de base. «On se plie quotidiennement en quatre pour offrir le strict minimum. Réparer les routes, assurer la collecte des ordures ménagères, garantir le ramassage scolaire, restaurer le réseau public d'alimentation en eau potable, veiller au bon fonctionnement de l'état civil sont autant de tâches anodines qui constituent autant de défis à relever chaque jour», ajoute notre interlocuteur en soulignant au passage que des dossiers de première importance comme la culture, le sport ou l'environnement sont automatiquement renvoyés aux calendes grecques à défaut de ressources financières suffisantes et de pouvoir de décision à l'échelon local. «La mairie est devenue une simple courroie de transmission. Faute d'une entreprise communale de travaux publics, l'APC passe obligatoirement par le privé dans l'exécution des PCD (programmes communaux de développement). L'influence de ce dernier ne cesse conséquemment de grandir aux dépens des véritables représentants de la population. Les petites enveloppes, attribuées par l'Etat à ce chapitre, suscitent immanquablement des frustrations et des rivalités tribales. Et si un projet sectoriel, échappant totalement au contrôle de la mairie, connaît un retard quelconque, c'est cette dernière qui se trouverait aussi incriminée par les usagers. La logique du système en vigueur fait de l'APC un pare-chocs», explique toujours le maire de Barbacha. Pour se justifier, notre interlocuteur cite, à titre d'exemple, la rareté des imprimés du fameux 12 S (extrait des actes de naissance spécial). Pour l'administré, la pénurie de ce document très demandé incombe à l'APC, alors que la réalité est tout autre. «Quelle est cette fameuse imprimerie qui en détient le monopole ? Elle appartient à qui ou plus exactement qui en est le responsable ? J'ai vu des maires faire la queue devant la DRAG pour s'en procurer 5 petits exemplaires. C'est franchement avilissant pour l'homme qu'on présente, en théorie, comme le premier magistrat de la commune», regrette-t-il. Elu sur la liste de PST, Sadek Akrour estime que les idéaux socialistes pour lesquels il a toujours milité ne sauraient se réaliser dans un tel contexte. Selon lui, rien ne saurait se faire sans l'ancrage de cette conscience politique et citoyenne qui fait tant défaut à la société d'aujourd'hui. «Pour satisfaire les besoins élémentaires des populations, il convient de créer, d'abord, le rapport de force adéquat. Ce n'est pas une question de textes ou de codes, c'est un problème de système. En ce qui nous concerne ici, on a toujours associé les comités de village et de quartier à la gestion de notre commune. Quand la situation nous dépasse, on se mobilise toujours pour accompagner plus loin leur combat et leurs revendications», explique-t-il. Ce «partenariat» entre les élus et la population a permis à la commune de décrocher sept projets de proximité et de développement rural intégré (PPDRI). Des améliorations ont été également réalisées dans l'équipement des écoles, la qualité des prestations dans les dispensaires et salles de soins ou la prise en charge des activités culturelles et sportives. La petite localité compte aujourd'hui pas moins de 1 000 athlètes, dont une équipe de basket-ball féminine, même si les subventions octroyées par la DJS et le Fonds de wilaya sont quasiment négligeables. Le centre culturel local a vu aussi l'éclosion des groupes de musique et des troupes de théâtre amateur qui animent la scène régionale. Afin d'élargir ce cercle de mobilisation, les élus de Barbacha œuvrent au développement de «l'intercommunalité» en appelant tous les élus de la wilaya à faire preuve de solidarité active au service des citoyens et de la chose publique. Une œuvre de pédagogie et d'entraide qui peine cependant à se mettre en place. «L'échec du mouvement de protestation populaire de 2001 a eu des conséquences fâcheuses sur l'organisation sociale en Kabylie. Pour le bien-être de tous, il est impératif de remédier à cette situation», conclut Sadek Akrour, en lançant un appel dans ce sens aux élus et aux représentants de la société civile.