Le plus important allié de l'Egypte, les Etats-Unis, a franchi un pas hier en appelant à «une transition en bon ordre» en Egypte. «Nous souhaitons voir une transition en bon ordre. Nous demandons instamment au gouvernement Moubarak, qui est toujours au pouvoir (...), de faire ce qui est nécessaire pour faciliter ce genre de transition», a déclaré sur la chaîne CBS Hillary Clinton, la chef de la diplomatie américaine. Au même moment, la coalition nationale pour le changement, qui regroupe plusieurs formations, dont les Frères musulmans, principale force d'opposition dans le pays, a chargé El Baradei de négocier avec le régime. Ainsi, la stratégie d'aller vers un changement pacifique en installant un gouvernement de consensus commence à prendre forme. Hosni Moubarak, qui a visité le centre opérationnel de l'armée dans la matinée d'hier, semble refuser de quitter le pouvoir sous la pression de la rue. Il attend peut-être un retour au calme, la composition d'un gouvernement d'union nationale avant de déléguer ses pouvoirs au chef du renseignement, le général Omar Souleïmane, nommé samedi dernier vice-président. Il s'agit d'un premier scénario qui commence à prendre forme auquel la rue refuse jusque-là d'adhérer. Toujours en colère, les Egyptiens rejettent les nominations faites par le président égyptien et demandent le changement du régime et non des personnes. Hier encore, bien après l'entrée en vigueur du couvre-feu, des milliers de personnes étaient rassemblées dans différentes régions du pays, scandant «Le peuple veut la chute du régime». En milieu d'après-midi, des avions de chasse ont survolé la capitale à très basse altitude à plusieurs reprises. Mais rien ne semble pouvoir briser la détermination du peuple égyptien. En ce sixième jour de révolte, les manifestants ont continué à affluer vers les places publiques pour participer à une nouvelle journée d'une révolte qui ne semble pas faiblir malgré le bilan de plus d'une centaine de morts. La situation n'est pas encore maîtrisée et les émeutes qui ont éclaté dans la nuit de samedi à hier ont permis, dans certaines régions, l'évasion de plusieurs milliers de prisonniers, comme c'est le cas dans la prison de Wadi Natroun, à 100 km au nord du Caire, au cours de laquelle ils se sont emparés des armes des gardiens de l'établissement carcéral. Dans la prison Abou Zaabal, à l'est du Caire, plus d'une dizaine de prisonniers ont été tués alors qu'ils tentaient de s'enfuir. Depuis le début des troubles, plusieurs cas de prisons abandonnées et d'évasions ont été enregistrés à travers le pays. L'armée, qui tente de rassurer la population, a annoncé hier l'arrestation de plus de 3 000 évadés et de fauteurs de troubles. La population, quant à elle, s'est organisée pour faire face aux nombreux pillages et attaques des propriétés privées commis au Caire comme dans d'autres grandes villes du pays. Des comités de citoyens ont remis les pillards aux forces armées. La révolte égyptienne, qui a commencé deux semaines après celle du «Jasmin» qui a causé la chute du régime de Zine El Abidine Ben Ali, continue à susciter l'inquiétude et de nombreux pays ont annoncé l'évacuation de leurs ressortissants. L'ambassade des Etats-Unis au Caire a annoncé qu'elle se préparait à évacuer ses ressortissants à partir d'aujourd'hui. Le Liban, la Libye et la Turquie ont mis en place des navettes aériennes. Ces craintes semblaient justifiées : l'Azerbaïdjan a annoncé l'évacuation de ses ressortissants après le décès d'un comptable de son ambassade au Caire, mortellement blessé samedi dernier alors qu'il rentrait chez lui.A l'aéroport du Caire, des hordes de touristes, d'expatriés et d'Egyptiens angoissés ont pris d'assaut les guichets de départs, cherchant à tout prix à quitter le pays. Même si l'Egypte semble aujourd'hui paralysée, le pays semble entamer une ère nouvelle. H. Y.