Les révolutions populaires de la Tunisie et de l'Egypte ont fait de l'effet sur les autres pays arabes. Le président yéménite Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis maintenant 32 ans, a annoncé renoncer à briguer un nouveau mandat. Mieux, il s'engage à faire des concessions à l'opposition pour une plus grande ouverture. La pression de la rue boostée par la situation historiquement inédite dans le monde arabe semble avoir eu raison de la fermeté du régime dans ce pays parmi les plus pauvres du monde arabe. «Je suis contre un renouvellement de mon mandat et contre la transmission héréditaire du pouvoir», a déclaré le président yéménite dans un discours qui fera date devant le Parlement qu'il avait convoqué pour une réunion extraordinaire. L'opposition a appelé à une «Journée de colère» aujourd'hui jeudi et boycotté la séance accentuant la pression sur le pouvoir. Le chef de l'Etat yéménite a fait montre d'une conciliation remarquée en annonçant le report des élections législatives prévues pour le 27 avril et dont la tenue en l'absence d'une réforme politique était contestée par l'opposition. Saleh a précisé qu'il avait décidé le «gel des amendements constitutionnels dans l'intérêt national». Ce coup de théâtre constitue un flagrant revirement. Les députés devaient examiner, le 1er mars, une révision constitutionnelle proposée par les parlementaires du parti au pouvoir, le CPG (parti populaire général), susceptible d'ouvrir la voie à une élection à vie du Président en exercice. Un amendement devait supprimer la limitation à deux du nombre des mandats consécutifs du Président. La situation était devenue tendue d'autant plus que Saleh était soupçonné de vouloir transmettre le pouvoir à son fils aîné Ahmed, chef de la Garde républicaine. Saleh veut manifestement dialoguer avec l'opposition. Le contact est interrompu depuis la décision des autorités d'organiser des élections législatives le 27 avril. Des milliers de Yéménites, vraisemblablement poussés par l'exemple de la Tunisie et de l'Egypte, avaient manifesté à Sanaa à l'appel de l'opposition, réclamant le départ du chef de l'Etat. Au pouvoir depuis 1978, Ali Abdallah Saleh a été réélu pour la deuxième fois en 2006 pour un mandat qui arrive à expiration en 2013. Face à la montée de la grogne populaire dans ce pays pauvre de 24 millions d'habitants, le régime en place est fragilisé. Quatre tentatives d'immolation par le feu, dont un cas mortel le 20 janvier, ont été signalées au Yémen. Ce pays, seule république de la péninsule Arabique, est une véritable poudrière. Il est le théâtre d'actions d'un mouvement séparatiste qui prend de l'ampleur dans le Sud, ancien Etat indépendant. La rébellion chiite dans le Nord se renforce davantage. Le Yémen concentre tous les ingrédients pour un dérapage généralisé et demeure particulièrement exposé à la «contagion» tuniso-égyptienne. M. B.