La situation reste toujours fragile en Tunisie trois mois après la chute de Ben Ali. Des manifestations réclamant le départ des fonctionnaires nommés sous le système dictatorial ont eu lieu ces derniers jours dans plusieurs localités. Samedi à Kef, centre-ouest du pays, la situation a dégénéré en une nouvelle flambée de violence ayant fait quatre morts. Le calme est revenu mais l'inquiétude reste de mise. Des affrontements violents ont eu lieu entre des manifestants réclamant le départ du chef de la police locale et les forces de l'ordre. Deux manifestants sont tombés sous les balles du chef de la police locale honni par la population et accusé d'abus de pouvoir. La colère populaire s'est abattue comme une lame de fond. Le commissariat a été saccagé ainsi que le siège local du RCD, la maison des jeunes et la résidence du commissaire. La manifestation, au départ pacifique, a dégénéré lorsque le commissaire, Khaled Ghazouani, a giflé une manifestante. C'en était trop pour la foule, qui s'est ruée vers le commissariat avant d'y mettre le feu. Lors des échauffourées, deux manifestants ont été blessés. Ils sont décédés dans la soirée. Le chef de la police a été arrêté et transféré dans la nuit vers la capitale Tunis. Au même moment, José Ignacio Salafranca, le chef d'une délégation du Parlement européen (PE) en visite depuis quatre jours en Tunisie, a fait part de la «vive préoccupation» du PE et réclamé «une enquête pour identifier les coupables» afin de les traduire en justice. Après un grand coup de balai dans la police et le remplacement des gouverneurs des 24 provinces du pays, le gouvernement Ghannouchi avait pourtant parié sur une amélioration progressive de la situation sécuritaire et sociale. Un allègement du couvre-feu en vigueur depuis le 12 janvier est décidé et des négociations sectorielles avec les syndicats sont entamées. La grogne des salariés exigeant l'amélioration de leurs conditions de travail, des hausses de salaire ou le départ de leurs chefs symbole du règne de Ben Ali, se fait insistante. Les habitants de plusieurs villes et des partis politiques ont contesté la nomination de nouveaux gouverneurs soupçonnés d'être des rebus de l'ancien système. Dans un pays où la parole est particulièrement libérée, un nettoyage en profondeur de toutes les administrations est fortement réclamé. Le parti d'opposition Ettajdid (ex-communiste) a dénoncé la nomination sans concertation de gouverneurs issus pour la plupart du RCD et réclamé la mise en place de «conseils régionaux provisoires» qui comprendraient des représentants de la société civile et des partis politiques, pour davantage de transparence. M. B.