Moins d'un mois après l'annonce faite par le ministre du Commerce, Mustapha Benbada, sur la possibilité d'opérer les transactions commerciales sans facturation pour apaiser la tension née de la flambée des prix de l'huile et du sucre, les pouvoirs publics viennent de passer à une autre étape. Une étape à travers laquelle le gouvernement est carrément passé à l'officialisation de cette mesure. Aujourd'hui, tout est possible : acheter et vendre sans facture et sans être obligé de recourir au chèque pour les transactions dépassant les 500 000 dinars. Il était prévisible que le gouvernement allait opter pour ces concessions. Mais à quel prix ? L'économie nationale payera, en effet, cher ce recul. Elles seront de plus en plus nombreuses les transactions commerciales à échapper au circuit bancaire dans un pays où, déjà, le poids de l'informel est important, de l'avis même des responsables du secteur, des experts et des opérateurs économiques. Il est vrai que les banques ne sont pas encore prêtes pour appliquer la mesure du paiement par chèque pour les sommes supérieures ou égales à 500 000 dinars. Mais ces lacunes étaient déjà connues avant même que la décision ne soit annoncée. Pourquoi donc avoir mis la charrue avant les bœufs pour se retrouver par la suite obligé de reculer devant les pressions et les tensions que subit le marché national ? Tout comme la généralisation du crédit documentaire pour le règlement des importations, il était clair, dès le début, que l'obligation du chèque (pour les valeurs dépassant les 500 000 dinars) allait créer de mauvaises surprises, même si elle devrait réduire la pression sur les liquidités. Car, pour rappel, lors de la dernière crise de liquidités qu'a connue le pays, les représentants du gouvernement avaient rassuré : «Avec l'entrée en vigueur du paiement par chèque, le problème diminuera.» Maintenant que la décision est reportée jusqu'à nouvel ordre, qu'en sera-t-il alors ? Quel argument trouvera-t-on pour justifier le manque de billets de banque ? Tout cela pour dire que les solutions proposées sont encore une fois conjoncturelles et ne mettront pas fin aux dysfonctionnements qui pénalisent l'économie. Quand la planification et la prospective font défaut dans un gouvernement qui s'est pourtant doté d'un département ministériel lors du dernier remaniement, cela suscite des interrogations sur le rôle de ce département non seulement sur cette question, mais sur bien d'autres liées à la gestion de l'économie nationale. Sauf si Temmar et son équipe travaillent en catimini. En attendant la réunion des conditions nécessaires pour appliquer les changements sur lesquels a reculé le gouvernement, il y a lieu de se pencher aujourd'hui sur les moyens à mettre en place pour «régulariser» l'informel, puisque cette option figure dans l'agenda du gouvernement. A ce sujet, les propositions ne sont pas avares. Bien avant que le Conseil des ministres ne se penche sur ce dossier, les experts ont émis des suggestions pour assurer le passage en douceur du circuit informel vers le formel. Ils ont, à maintes reprises, proposé de bien cerner le sujet en commençant par une enquête nationale. Et pour cause, l'informel ne se limite pas aux petits vendeurs à la sauvette, mais englobe ses ramifications beaucoup plus nombreuses. Elles s'étalent dans tous les secteurs avec la complicité de l'administration, dont les agents, face à des salaires lamentables, se retrouvent obligés de faciliter la tâche aux barons de l'informel en contrepartie d'une récompense.Quelle application alors pour les directives du Président dans ce cadre ? S. I.