De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali Pour la grande majorité des Oranais, des jeunes principalement, il n'est plus besoin de se rendre dans les vidéothèques ou chez les disquaires (dont le nombre a considérablement baissé ces dix dernières années) pour faire le plein de films, de musique ou de jeux. Il suffit d'allumer son ordinateur, de se rendre sur les dizaines de sites de téléchargement et de laisser la magie d'Internet opérer. Evidemment, parfois, il faut s'armer de patience pour supporter les déconnexions intempestives ou un débit capricieux mais, dans l'ensemble, les internautes n'ont pas trop de difficultés pour télécharger l'objet de leurs désirs : «Pourquoi irai-je payer un produit que je peux télécharger tranquillement à la maison ?» s'interroge Amine, cinéphile trentenaire, dont le PC regorge de films et de musique qu'il réactualise périodiquement, notamment en en allant fouiller les disques durs de ses amis : «Et c'est rare que je ne tombe pas sur du nouveau», assure-t-il en évoquant la cinquantaine de films, tous genres confondus, qu'il avait trouvée chez l'un d'eux et qu'il s'était aussitôt empressé de copier. Lecteur assidu, dévorant tout ce qui lui tombe sous la main, Rachid, quadragénaire, s'est aussi récemment mis à écumer les recoins de la Toile, copiant et téléchargeant tous les textes qui touchent à l'histoire : «J'ai dû acheter un disque dur amovible de 150 gigas parce que les 60 de mon PC ne suffisaient plus, sachant qu'Internet fourmille de documents et de dossiers passionnants, raconte-il en frémissant à l'évocation de son obsession. J'ai des dossiers allant de l'histoire de la Palestine à celle de la Chine ou du Japon, en passant par la nôtre, celle d'Israël, des Etats-Unis, du monde arabe... Comme je possède des fichiers sur diverses civilisations, sur la franc-maçonnerie, les sectes... Je ne m'en lasse pas.» Un seul hic pour Rachid, mais de taille : il n'a pas encore Internet à la maison, le cybercafé reste sa principale source de «ravitaillement»...Autre témoin du rôle capital que la Toile joue dans l'animation culturelle et la satisfaction de besoins des jeunes Oranais, Mohamed, 15 ans, qui trouve ses jeux favoris sur Internet et qui, une ou deux fois par semaine, reçoit l'autorisation parentale de se rendre dans un cybercafé pour suivre, via Youtube ou Dailymotion, les péripéties tragicomiques de ces combattants de la ligue américaine de catch qui sont devenus de véritables idoles auprès de nombreux adolescents ou découvrir les derniers clips de rap : «J'achète rarement des CD de musique parce que je trouve tout ce dont j'ai envie sur Internet, affirme-t-il en indiquant que les cybercafés mettent également à la disposition des clients un certain nombre de fichiers de musique prêts à être copiés. Du raï, très en vogue auprès des jeunes, à la musique française en passant par la pop, le rock, le jazz, la techno et divers autres genres musicaux, l'internaute peut, en deux ou trois clics, copier toute la musique qu'il aime sans même avoir à la télécharger. C'est ainsi qu'entre téléchargements et duplications, Salim, autre internaute amateur de bonne musique, a pu constituer un petit trésor musical qu'il conserve précieusement sur son PC : «Quand j'entre dans un cybercafé que je ne connais pas, je m'inquiète généralement de savoir quelle musique se trouve dans le poste devant lequel je m'assoie. D'une part, parce que j'aime écouter de la musique en travaillant et, d'autre part, parce que cela me permet d'étoffer ma petite collection. Et c'est grâce aux cybercafés que je possède aujourd'hui des petits bijoux de Amar Zahi, Idir, Al Jarreau, Al Di Meola, Keziah Jones, Elvis Presley, Christopher Cross et d'autres encore...» Salim reconnaît tout de même que les disquaires et les petits vendeurs constituent malgré tout une source d'approvisionnement non négligeable : «De temps en temps, quand je passe devant un disquaire, je n'hésite pas à faire une halte, on ne sait jamais ce qu'on peut y trouver. Je déplore, toutefois, la mauvaise qualité de certains CD...» Pour tous ces internautes-témoins, la notion de téléchargement illégal reste très floue et ne les touche absolument pas. Pour eux, Internet est surtout un monde magique qui ne s'accommode d'aucune restriction, univers merveilleux où découverte et liberté restent, pour le moment du moins, les maîtres mots.