Photo : M. Hacène Par Mekioussa Chekir La marche initiée hier par la Coordination nationale pour le changement de la démocratie (CNCD), appuyée par le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et des personnalités politiques et artistiques, a été au cœur d'une foisonnante couverture médiatique aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale. C'est que le fait, au-delà de l'importance qu'il peut renfermer en raison de la nature de la démarche et de la portée des revendications brandies, revêt une dimension autrement plus particulière eu égard à l'actualité environnante marquée par les révolutions tunisienne puis égyptienne. Aussi cette marche était-elle perçue comme un baromètre de la tension politique et sociale en Algérie et un tournant décisif des événements qui allaient en découler dans le pays. Pour la majorité des chaînes de télévision étrangères qui ont fait la part belle à cet événement, l'Algérie était appréhendée comme étant la prochaine «étape» d'une longue liste de pays potentiellement touchés par la «contagion révolutionnaire» qui avait balayé, quelques jours auparavant, des dirigeants jusque-là inébranlables comme Ben Ali et Moubarak. Aussi, bien avant ce rendez-vous, des chaînes de télévision ont annoncé la manifestation en donnant la parole à l'un de ses organisateurs, tout en s'interrogeant sur le devenir du pays étant donné que l'initiative en question n'avait pas reçu l'aval des autorités. Le jour J, les téléspectateurs ont eu droit à un traitement des événements pour le moins biaisé et contraire aux préceptes de la déontologie : une exagération éhontée quant au nombre des manifestants, une volonté manifeste de ne donner la parole qu'aux personnes qui veulent en découdre avec l'actuel régime et qui revendiquent le changement du système et une concentration de la caméra sur les interpellations policières. C'est le cas des chaînes comme El Jazeera qui s'est brillamment distinguée par montrer de vieilles images n'ayant rien à voir avec l'événement et expressément mises en valeur (16/9). L'envoyée spéciale de France 2 s'est avancée à donner le chiffre de 2 000 manifestants présents au moment où il était impossible pour quiconque d'arrêter des statistiques précises. Il en est de même pour ceux qui ont avancé des chiffres bien supérieurs, sans citer une source définie sachant qu'au milieu du tumulte de la foule présente, il était difficile de distinguer les manifestants ayant répondu à l'appel, des pro-Bouteflika qui ont brouillé le mouvement, des policiers en civil et des représentants des médias entre nationaux et internationaux. Une autre chaîne française a pris le soin de zoomer sur la présence dans la marche de Ali Belhadj, entouré de plusieurs personnes comme pour faire croire à une quelconque aura qui subsisterait encore chez ce personnage pour le moins controversé.Si les informations distillées par ces médias sont loin d'être fausses mais délibérément orientées, on ne peut pas, d'autre part, ne pas déplorer la même volonté de désinformation et de manipulation du son et de l'image propres à l'ENTV, un exercice qu'elle n'a pu s'empêcher de pratiquer encore une fois lors de cette marche en dépit des récentes instructions décidées en plus haut lieu de l'Etat. «l'unique», qui continue à juste titre de mériter cette dénomination, a versé dans le même traitement, mais dans le sens inverse. Ainsi, notre chaîne publique a choisi de ne donner la parole qu'aux citoyens hostiles à la marche et qui se sont prononcés contre cette démarche. Les caméras de l'unique ont également évité de retransmettre les images de manifestants malmenés par les policiers au moment de leur interpellation.Quant à la question d'apprécier l'échec ou le succès de la manifestation, il appartenait à chacun des médias dépêchés sur les lieux de laisser les images parler d'elles-mêmes en prenant le soin d'ouvrir le micro à tous les sons de cloche. Quel que soit le camp où, l'on choisit de se placer dans pareille situation et ce, pour une raison ou une autre, un média n'est plus objectif dès lors qu'il choisit d'occulter une partie de la vérité ou qu'il décide d'orienter délibérément celle-ci.