Avec la chute de Hosni Moubarak et le possible avènement d'un nouveau régime en Egypte, les Palestiniens, particulièrement ceux de la bande de Ghaza, espèrent la fin du blocus du territoire et le règlement définitif de l'obstacle de la division inter-palestinienne. D'ailleurs, dès l'annonce du départ forcé du président égyptien, les Palestiniens se sont sentis frontalement concernés. La perspective d'une levée de l'inhumain blocus imposé par Israël, ou du moins sa suspension côté égyptien paraît une réalité possible après avoir constitué une chimère. Les responsables du mouvement Hamas, qui avaient des relations difficiles avec Le Caire, en sont convaincus : «L'Egypte écrit une nouvelle page de l'Histoire de la nation, le siège de Ghaza commence à vaciller.» Sitôt la chute de Moubarak connue, des scènes de liesse ont éclaté à travers tout le territoire. Sous blocus israélien depuis 2006, la bande de Ghaza demeure un territoire-prison où une population nombreuse se meurt en silence dans l'indifférence quasi général. Aucune puissance au monde ne semblant vouloir se confronter à Israël. Il se trouve que le blocus de Ghaza est également dépendant du bon vouloir des autorités du Caire. Le poste frontière de Rafah est fréquemment fermé et les tensions récurrentes entre le Hamas et le pouvoir égyptien n'ont pas arrangé les choses. Sous la pression de Washington, l'Egypte ne pouvait se permettre de soulager un tant soit peu la tension sur les Ghazaouis au risque de provoquer l'ire des Américains et de remettre probablement en cause la cruciale aide annuelle. Les plus sceptiques recommanderont au «Hamas de limiter ses attentes» et font remarquer que «l'Egypte ne peut pas renoncer à des traités de paix avec Israël ou revenir à la guerre». Le nouveau régime s'efforcera probablement de mettre fin à la division inter-palestinienne. Le régime Moubarak avait déjà tenté une médiation entre l'Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas et le Hamas, auquel il avait imputé l'échec des efforts de réconciliation. Cependant, le régime Moubarak prenait parti pour le président Mahmoud Abbas et le Fatah compliquant la situation dans les territoires occupés. Les images des Palestiniens bravant les gardes-frontières égyptiens et détruisant le mur artificiel pour traverser la frontière demeurent dans les esprits. Le passage de Rafah, véritable soupape pour de nombreux Palestiniens, est devenu un élément majeur, particulièrement durant l'agression israélienne de 2008. Les différentes tentatives des navires humanitaires de briser l'embargo israélien sur Ghaza et la sauvagerie de la riposte ont augmenté la tension notamment sur un gouvernement égyptien dans le rôle de «l'allié objectif» d'Israël. Les bouleversements sur le plan régional sont venus ébranler une situation déjà assez fragilisée. Saëb Erakat, un des principaux négociateurs palestiniens, démissionne de ses fonctions en raison de la fuite d'archives sur les pourparlers de paix avec Israël révélée par Al Jazeera. Ce proche de Yasser Arafat a fait partie de toutes les équipes de négociateurs avec Israël depuis 1991. Il a été élu en 2009 au comité central du mouvement Fatah du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et au Comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine. Nommé en 2003 chef de l'équipe de négociations de l'OLP, Erakat, une des personnalités palestiniennes les plus en vue, a justifié sa démission de ce poste par la responsabilité qu'il devrait assumer «pour le vol de documents dans son bureau», qui, selon lui, ont été «falsifiés». La position de Erakat était fragilisée depuis l'annonce que le principal responsable présumé de ces fuites était un employé du département des négociations de l'OLP sous son autorité. La nouvelle donne en Egypte semble avoir déjà enclenché l'accélération des événements. La direction palestinienne annonce des élections générales d'ici septembre. Le Hamas, qui contrôle la bande de Ghaza et vainqueur des législatives de 2006, le dernier scrutin en date ne l'entend pas de cette oreille. Le Hamas conteste la légitimité même de Mahmoud Abbas, dont le mandat a expiré en janvier 2009. Depuis, le statu quo est de mise mais il confine à une situation de vide politique. Le départ de Moubarak pèsera vraisemblablement sur l'avenir de l'Autorité palestinienne. Cette dernière a joué de malchance en se solidarisant jusqu'au bout avec le régime en place en Egypte. L'Autorité a même systématiquement empêché les rassemblements de soutien au soulèvement populaire anti-Moubarak au nom de la sacro-sainte «non-ingérence dans les affaires de pays frères». Le Premier ministre Salam Fayyadh a présenté la démission de son gouvernement au président de l'Autorité palestinienne. Le président Abbas avait fait part, en novembre, de son intention de remanier le gouvernement. Salam Fayyadh reste une personnalité appréciée dans les pays occidentaux. Il est crédité d'avoir assaini les finances palestiniennes et amélioré la situation sécuritaire en Cisjordanie. On est loin de la situation catastrophique à Ghaza sous «gestion» du Hamas. Il pourrait bien être reconduit dans ses fonctions. Indéniablement, l'Autorité palestinienne chère à Mahmoud Abbas se retrouve ballottée par les répercussions inévitables des révolutions populaires dans le monde arabe et l'impact de la diffusion en janvier par la chaîne Al Jazzera de centaines d'archives compromettantes sur les pourparlers avec l'occupant israélien. Les prochains rendez-vous électoraux seront un test déterminant de sa légitimité au sein de l'opinion palestinienne. M. B.