La lame de fond des contestations sociopolitiques qui secouent plusieurs régions moyen-orientale et nord-africaine met les régimes concernés devant les limites de leurs politiques, imposant de facto des mutations profondes sur tous les plans, mais risque aussi de créer des situations de nature à bouleverser l'ordre économique mondial aussi hideux et injuste que les dictatures que les peuples combattent. Le même Occident, qui a colonisé les pays du Sud, dilapidé ses richesses pendant des siècles et commis des crimes odieux contre l'humanité, a imposé un ordre économique qui réduit les peuples à des sous-hommes et intronisé des dictateurs à la tête de beaucoup de pays. L'Occident semble se dédouaner de tout ce que subissent les peuples du Sud. L'Occident ne se sent nullement responsable de la misère de la majorité écrasante de l'humanité qui se débat dans des problèmes politiques, économiques, sociaux et parfois dans des guerres civiles qui font le bonheur des marchands de la mort, en l'occurrence les lobbies des armes. L'Occident a la mémoire courte et semble oublier que la Palestine et le Sahara occidental sont sous occupation coloniale et subissent des horreurs pires que celles des peuples soumis à la dictature. Aujourd'hui, un vent de changement radical souffle sur les pays des régions du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord. L'Occident suit avec attention et inquiétude les événements qui s'y déroulent et qui risquent de remettre en cause aussi bien ses stratégies géopolitiques que l'ordre économique qu'il a imposé partout. A l'époque du monde bipolaire, les non-alignés s'alignent en fonction des rapports de force, avec le bloc de l'Est ou de l'Ouest quand le tiers-mondisme bat de l'aile. Aujourd'hui, la majorité des Etats sont dans le même moule économique même si les intérêts politiques divergent notamment entre les pays occidentaux et ceux émergents qui revendiquent leur part du marché mondial et des voix dans le concert des nations. Les dynamiques sociales qui provoquent des séismes politiques et structurelles dans les pays arabes notamment suscitent des interrogations d'autant plus que ces pays ne sont pas les plus pauvres de la planète. Est-ce la démocratie qui intéresse l'Occident ou les richesses des pays arabes pour sauver le Nord de la crise qui le secoue depuis 2008. S'il est légitime que les peuples revendiquent la démocratisation de leurs systèmes politiques respectifs, ces même peuples n'aspirent pas uniquement à la liberté et à la citoyenneté mais surtout au bien-être social, au développement et au progrès. Les besoins des peuples ont un prix et la démocratie n'est pas un luxe mais un environnement qui permet aux citoyens de ces pays d'exprimer librement leurs besoins énormes et de contrôler l'usage de leurs ressources financières. La démocratie limite donc les monopoles et leurs conséquences morales dans la gestion des richesses des peuples. A ce titre, l'Occident qui, hypocritement, dénonce épisodiquement la corruption et la mauvaise gouvernance, risque de se retrouver face aux limites de son propre ordre économique basé sur la spéculation, la corruption, la prédation et le monopole. Quand les peuples auront la possibilité d'avoir le droit de regard sur la gestion des ressources de leurs pays, ils iront plus loin que la démocratie. La justice dans les rapports économiques internationaux et dans la gestion des différents dossiers qui traînent depuis des dizaines d'années comme les questions palestinienne et sahraouie sera posée comme une revendication de tous les peuples opprimés et laissés pour compte d'un système global injuste. C'est ce jour-là que l'altermondialisme, dont les idées et l'activité sont circonscrites pour l'heure dans les pays avancés, prendra tout son sens et sera pris à bras le corps par les peuples réellement concernés par ce combat. A. G.