La situation de plus en plus chaotique en Libye reste rythmée par les défections ou les ralliements de différentes tribus composant le corps social du pays. L'évolution de la structure tribale sera à n'en plus douter la clé de l'après-Kadhafi. Le Guide de la Jamahiriya, en nette désintégration, qui semble être acculé dans ses derniers retranchements, s'est appuyé durant son règne sur un système particulier où les tribus jouent un rôle majeur. Il a de tout temps joué sur les rivalités de celles-ci pour asseoir davantage son pouvoir et rester au-dessus de la mêlée. Lui-même originaire d'une des plus importantes tribus, Mouammar Kadhafi exercera en l'absence de parti politique un ordre à son avantage. Ainsi, l'avenir immédiat du pays dépend fortement de l'attitude des différentes tribus face à la contestation anti-Kadhafi. Les spécialistes insisteront particulièrement sur la nature du système libyen, élément déterminant dans la crise actuelle. Selon Senoussi el-Fikri, spécialiste de la Libye et auteur du livre Le Système politique libyen, la nature politique de ce pays repose sur l'alliance de trois grandes tribus : les Kadhafa, les Warfallah et les Makarha. La tribu Warfallah a été la première à apporter son soutien à la contestation populaire. Le fait qu'elle soit localisée dans l'est du pays, autour de Benghazi, a facilité l'affranchissement. Cette tribu est d'autant plus importante que près de 1 million d'individus la composent. La tribu Kadhafa, celle dont est issu le colonel, est bien moins nombreuse. Elle est concentrée notamment dans la région de Sebha, au centre de la Libye. La tribu Makarha, quant à elle, est située dans la région ouest. Elle est parmi les plus armées. En dépit du fait qu'elle soit très fortement alliée à Mouammar Kadhafi, des observateurs estiment qu'elle pourrait rejoindre la révolte à tout moment. Pour eux, c'est la tribu Makarha qui fera basculer la situation. Le rôle des tribus est néanmoins nuancé par d'autres observateurs. Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève, estime, dans le journal le Monde, que le régime s'appuie sur trois éléments garants de sa stabilité : la famille Kadhafi, les Comités révolutionnaires et puis les tribus. Cette dernière structure représente à différentes échelles une organisation au moins parallèle, sinon concurrente, à l'Etat, dira-t-il. Les querelles intertribales fragiliseraient leur poids en cas de bouleversement. «L'urbanisation et le développement font que les chefs de tribu ont moins d'influence sur leurs membres», estime Mohammad Fadel, chercheur libyen indépendant, basé à Londres interrogé par Agence France presse. «Les tribus fonctionnent de la même manière qu'une famille, avec des désaccords politiques comme à l'intérieur d'un cercle familial», dira-t-il. M. B.