Photo :S. Zoheir Par Samir Azzoug La politique de création d'emplois et de lutte contre le chômage a connu un coup de fouet avec les décisions prises lors du dernier Conseil des ministres. Des mesures «exceptionnelles» favorables aussi bien aux patrons qu'aux jeunes à la quête d'emploi sont inscrites. Mais la question qui mérite d'être posée est la suivante : quels effets auront ces nouvelles mesures sur la principale frange sociale concernée, à savoir les jeunes chômeurs ? Quelles sont ces mesures prises dans un climat social en ébullition par le nombre important de grèves, de contestations et de sit-in ? Les nouvelles mesures En plus de l'allègement des charges patronales pour le recrutement des jeunes demandeurs d'emploi, il s'agit de la valorisation des dispositifs à la création d'activités et d'emplois, de l'amélioration des dispositifs d'insertion dans le monde du travail ou d'emploi d'attente, de la distribution et de la construction de locaux commerciaux et autres activités. Le programme est chargé, mais voici les points essentiels.S'agissant d'abord des dispositifs de création d'activités - Agence nationale de soutien à la création d'emplois (Ansej) et Caisse nationale de chômage (Cnac) -, les décideurs semblent avoir réellement écouté les doléances des souscripteurs en matière d'apport personnel, de frilosité des banques pour financer les projets et des lenteurs administratives. Ainsi, l'apport personnel au titre de financement de l'investissement passe de 5 à1% pour les investissements ne dépassant pas les 5 millions de dinars et de 10 à 2% pour ceux allant jusqu'à 10 millions de dinars. Pour le remboursement des intérêts, les périodes de différé sont allongées de une à trois années sur le paiement du principal du crédit bancaire avec en prime l'octroi de crédits supplémentaires de 500 000 DA sans intérêts pour la location du local ou l'acquisition de véhicules aménagés, avec instauration d'une période de trois années d'évolution graduelle vers la fiscalisation totale à l'issue de la période d'exonération. Et, cerise sur le gâteau, il sera réservé un quota des contrats publics locaux pour lesmicroentreprises. A décortiquer ces décisions, on se demanderait presque où se trouve le piège. Quant aux dispositifs d'insertion dans le monde du travail et de l'emploi d'attente, des décisions sont également prises. La durée de contrats de placement du dispositif d'aide à l'insertion professionnelle (DAIP) pour les diplômés universitaires, les TS et les candidats à l'insertion professionnelle est portée d'une année à trois ans, avec possibilité de renouvellement. Pour les mécanismes d'emploi d'attente, la fusion des dispositifs d'indemnité pour activité d'intérêt général (IAIG) avec le dispositif d'activité d'insertion sociale (DAIS) permettra d'offrir une activité partielle et temporaire avec une allocation conséquente pour les personnes sans revenu. Et pour le bouquet final, le programme des «100 locaux par commune» verra un revirement de situation conséquent puisqu'il est désormais permis de distribuer les 140 000 construits pour des activités commerciales. Des enveloppes de 2 milliards de dinars seront débloquées au titre des programmes communaux de développement 2011-2012 pour l'aménagement des marchés de proximité. Sans omettre la mise à la disposition des banques publiques d'une ligne de crédit à long terme de 100 milliards de dinars renouvelable, pour financer des projets à maturité longue, et l'intervention du Fonds national d'investissement à hauteur de 34% du capital de financement pour les investisseurs nationaux qui le souhaitent. «Avec ces décisions, je tente ma chance» En somme, ces arrangements répondent exactement aux attentes et aspirations des différents acteurs du monde de l'emploi. Chômeurs, patrons et financiers ont les réponses tant attendues de leurs reproches. «Cela fait des années que je rêve de monter ma propre petite entreprise. Mais l'apport personnel, pour un sans-le-sou comme moi, c'était du domaine de l'impossible. Maintenant avec un taux de 1 pour le milliard [de centimes], soit 100 000 DA, c'est plus avantageux», s'enthousiasme Hamid, la trentaine, chômeur de longue durée. «Avec ces décisions, moi qui n'avais jamais pensé devenir promoteur, je tente ma chance. Car là, vraiment, si je ratais cette opportunité, je m'en voudrais à vie», déclare Amine, médecin reconverti en délégué médical depuis plus de cinq ans. Ainsi, les nouvelles mesures prises le 22 février, relayées tambour battant par tous les médias, ont eu un accueil favorable de la grande majorité de la population. Une adhésion totale en théorie mêlée de sentiments d'appréhension, de perplexité et d'incrédulité. «Les décisions sont bonnes, mais les effets d'annonce, on connaît. C'est le reste qui ne suit pas. Les lenteurs administratives, les entraves et autres comportements des personnes en charge des dossiers finissent par avoir raison des ambitions. Cela fais trois ans que je cours derrière un crédit Ansej, j'ai dû changer de demande d'activité plus de deux fois et, au final, je baisse les bras. C'est épuisant et sans issue», déplore Madjid, apparemment exténué par tous ces déboires. «Les agents d'administration sont les mêmes. Ils ont l'habitude de favoriser leurs proches dans l'octroi des crédits. Ils les orientent vers les activités prioritaires, leur ouvrent toutes les portes. Ils ne vont pas changer comme ça du jour au lendemain. Ces nouvelles mesures serviront encore l'entourage de leur entourage», déplore-t-il. Malgré ces appréhensions, les bureaux des agences d'emploi, ceux de l'Ansej et des collectivités locales sont assaillis par les demandes. Un espoir est né. Un espoir recherché, mais dangereux. Car derrière se nichent l'impatience et l'intransigeance. Impatience et intransigeance, les dangers Les récents évènements qui ont secoué plusieurs communes du pays, où des chômeurs mécontents ont barré des routes, saccagé des mairies et affronté les forces de l'ordre, sont annonceurs d'un danger patent. Car le véritable problème ne consiste pas seulement à affiner des règles économiques, mais le véritable défi à relever est de rendre la confiance entre l'administration et ses administrés, entre les élus et leurs électeurs et entre les dirigeants et leurs sujets. Dans le compte rendu du Conseil des ministres précédemment cité, il est noté que le président de la République précise qu'il «reste à nos administrations et institutions financières à mettre en œuvre efficacement toutes ces mesures» et d'ajouter : «Notre souci d'élaborer sans retard les programmes d'action et d'améliorer sans délai le service public et la qualité de l'accueil des administrés dans les administrations doit être érigé en pratique permanente.» Mais le temps presse. Et les vieux réflexes ont toujours la peau dure. La patience et la confiance ne sont pas les principales qualités des jeunes demandeurs d'emploi ou de crédit. Pour eux, le chef de l'Etat a décidé, donc leurs doléances doivent être satisfaites illico presto. Aucun argumentaire basé sur le délai, la bureaucratie ou l'attente ne les fera changer d'avis. Alors, l'administration réussira-t-elle la transition avant que les choses ne s'enveniment ? Tel est le véritable challenge.