Le colonel Mouammar Kadhafi refuse de quitter le pouvoir. «Mon peuple m'adore. Il mourrait pour me protéger», a-t-il affirmé. Il semble délirer et refuser la vérité : l'insurrection contre son pouvoir est entrée dans sa troisième semaine. Il s'accroche malgré la prise de plusieurs villes de l'Ouest par l'opposition et la pression croissante des Occidentaux. Mouammar Kadhafi et ses forces ne contrôlent plus que Tripoli et sa région. L'opposition n'hésite pas à les défier dans les banlieues de la capitale. Basée à Benghazi, elle se prépare à marcher sur Tripoli. Sur le plan international, la pression, tant au plan économique que militaire, est maintenue afin de contraindre Kadhafi à quitter le pouvoir. L'ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU, Susan Rice, a affirmé hier : «Nous allons faire pression sur lui économiquement, conjointement avec le reste de la communauté économique. Nous allons faire pression sur lui militairement.» Le Premier ministre britannique David Cameron a jugé, quant à lui, «inadmissible» que le colonel Kadhafi «puisse assassiner son propre peuple» et souligné qu'il était légitime dans ces circonstances d'envisager la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye. L'armée américaine a déjà entrepris de positionner des forces navales et aériennes autour de la Libye. Paris a indiqué que toutes les options étaient à l'étude, dont celle de l'interdiction de survol du territoire libyen qui nécessiterait toutefois l'implication de l'Otan et l'approbation de l'ONU. N'envisageant néanmoins pas une intervention militaire, il a commencé l'acheminement d'aides médicales aux opposants au régime à Benghazi. Son secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Laurent Wauquiez, a fait savoir que la France veut un contrôle de «tous les circuits financiers libyens». Il est vrai que l'aide humanitaire est une des urgences actuellement avec la situation de crise qui prévaut aux frontières notamment entre la Libye et la Tunisie où se trouvent 70 000 à 75 000 personnes ayant fui les violences qui émaillent depuis mi-février la révolte populaire contre le leader libyen. «Nos équipes à la frontière entre la Libye et la Tunisie nous ont expliqué ce matin que la situation y atteignait un niveau de crise», a indiqué Melissa Fleming, porte-parole du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR). L'Union européenne (UE) s'est dit prête à faire face à cet afflux massif de réfugiés en provenance de Libye. La commissaire en charge de l'immigration et de la sécurité, Cecilia Malmström, a affirmé : «Un fonds d'urgence de 25 millions d'euros est à disposition et en cas de crise humanitaire majeure, nous devrons trouver des fonds supplémentaires.» «Les personnes fuyant la Libye ne seront pas repoussées» par l'UE, a-t-elle ajouté. A Benghazi, les médecins se démènent pour évacuer des dizaines de blessés graves vers l'étranger. Suhail Al-Atrash, chef de service, a affirmé qu'«une centaine de blessés ont besoin d'une opération chirurgicale à l'étranger. Nous avons réussi à en envoyer quelques-uns en Tunisie à bord d'un bateau». Certains médecins de la ville ont indiqué qu'ils manquaient de médicaments. Zenten, ouest, est en état de guerre. Des vigiles ont repéré l'avancée des militaires fidèles au leader libyen : 40 camions et blindés munis de batteries antiaériennes et des véhicules avec lance-missiles multiples. On craint un siège comme à Zawiyah qui est passée la semaine dernière aux mains des opposants avant d'être encerclée par l'armée. Mais cela ne décourage pas l'opposition qui a annoncé hier la création d'un conseil militaire à Benghazi, dans l'Est, embryon d'une future armée. Il doit à terme faire la liaison avec des organisations similaires dans les autres villes «libérées». Un affrontement n'est donc pas à exclure, ce qui risque de plonger le pays dans un bain de sang sans précédent. H. Y.