Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar Autres temps, autres mœurs. Il fut une époque, pas si lointaine, où les jeunes craignaient de se lancer dans le cercle fermé des affaires. Une fois diplômés, ils se mettaient à la recherche d'un poste d'emploi stable pour entamer réellement leur carrière. Une quête laborieuse durant parfois de longues années en débrouille et bricolage. Aujourd'hui, les cadres universitaires et les brevetés de centres de formation professionnelle ne partagent pas cette appréhension. Sitôt leur cursus achevé, ils se jettent dans le bain. Faute de trouver immédiatement un emploi, les nouveaux demandeurs en créent, en lançant notamment des microentreprises. Des initiatives courageuses qui réussissent souvent à garantir leur propre insertion ainsi que celle d'autres chômeurs dans le monde du travail. Incontestablement, l'Ansej (Agence nationale de soutien à l'emploi de jeunes) a joué un rôle de catalyseur dans l'émergence de cette nouvelle tendance socio-économique. L'antenne de Béjaïa compte, à ce propos, parmi les plus dynamiques du pays. Dans le but de désengorger ses bureaux qui ne désemplissent pas de porteurs de projets, cette agence vient d'étendre son réseau en ouvrant deux bureaux supplémentaires à Akbou et Darguina. «Dans l'immédiat, ces deux bureaux joueront un rôle de boîte postale où les agents sur place informeront les jeunes des nouvelles dispositions prises en la matière, vérifieront la conformité des dossiers, avant de les acheminer vers l'agence centrale de Béjaïa, qui les présentera, à son tour, à la commission technique. Mais plus tard, ils auront leur propre autonomie, avec chacun son directeur et sa propre commission », déclarent les responsables de l'agence à Béjaïa, soulignant leur disponibilité à ouvrir d'autres bureaux dans certaines communes à forte concentration démographique, pour peu que les APC mettent à leur disposition des locaux décents. Attentifs aux pulsions du marché et aux nouveaux besoins des consommateurs, les jeunes entrepreneurs choisissent souvent des créneaux porteurs où la demande est nettement perçue, et ce, avant même le lancement de l'initiative. Depuis l'ouverture de l'agence, en 1998, et jusqu'à ce jour, des milliers de dossiers ont été soumis aux comités d'éligibilité. Ainsi, plus de 5 000 microentreprises ont été créées, dont plus de 1 500 dirigées par des femmes, offrant près de 20 000 emplois directs. Au tout début, les postulants investissaient dans le transport de voyageurs, l'acheminement de marchandises, les ateliers de soudure, de mécanique automobile ou de menuiserie, les kiosques multiservices ou les cybercafés, les bureaux d'études et cabinets de suivi technique. Avec le lancement des plans quinquennaux consacrés aux infrastructures de base, les jeunes entrepreneurs se sont tournés vers le BTPH, en créant de petites entités spécialisées en maçonnerie, plomberie sanitaire, électricité, peinture, aménagement d'espaces verts ou travaux de VRD, soit des activités intervenant en aval de cette filière, qui manquait jusque-là de sous-traitants qualifiés. L'agriculture et l'artisanat suscitent également l'intérêt des jeunes, notamment pour des filières comme l'élevage ovin et bovin, la collecte du lait cru, l'aviculture, l'apiculture, le stockage et le transport frigorifique des produits agricoles ou les pépinières. D'autres créneaux comme l'hygiène et le nettoiement de lieux publics, la collecte et l'enlèvement des ordures ménagères, la restauration du vieux bâti, le transfert sanitaire et l'évacuation de malades figurent également parmi les prestations convoitées. Afin de soutenir les futurs petits entrepreneurs, l'Ansej et l'université de Béjaïa organisent des sessions de formation obligatoires sur les techniques de gestion au profit des bénéficiaires. Une mesure d'accompagnement qui a eu un effet positif, selon ses promoteurs. Pour conclure, notons que les jeunes promoteurs comme l'Ansej, d'ailleurs, sollicitent davantage de crédits et appellent les banquiers à jouer le jeu de façon plus impliquée. L'engagement des banques à financer ce type de projets est jugé insuffisant et les statistiques le situent à un taux d'à peine 35%, soit 35 projets sur 100 proposés. Ce qui pourrait passer pour une bonne moyenne, sauf qu'un pourcentage de 50% demeure largement accessible.