Photo : Riad Par Karima Mokrani Près de deux cents étudiants de différentes universités et grandes écoles du pays se sont donné rendez-vous, hier, devant le siège de la présidence de la République, à El Mouradia (Alger), pour dénoncer «la nonchalance et le manque de lucidité» de certains responsables du secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Les étudiants en colère en appellent au premier magistrat du pays pour une intervention rapide à même de «sauver» l'université algérienne du marasme qui la «gangrène» depuis plusieurs années.Ainsi, un rassemblement pacifique a eu lieu à l'initiative de groupes d'étudiants. Pas tout à fait devant le siège de l'institution présidentielle -puisque les services de police en ont interdit l'accès -, mais à quelques mètres de là, sans toutefois susciter de l'agitation ou des débordements de quelque partie que ce soit. «Nous ne sommes pas des voyous», affirmaient les étudiants, résignés à tenir leur rassemblement sur un trottoir, devant un fleuriste qui, par chance, n'a pas ouvert hier. Les policiers, de leur côté, malgré l'interdiction signifiée aux étudiants d'avancer dans leur action, ont fait montre de souplesse et de sagesse. Le rassemblement a eu lieu dans une ambiance calme et sereine, les étudiants s'étant exprimés avec des chants patriotiques. «Le problème n'est pas dans le décret n°10-315 et l'établissement de passerelles entre le système classique et le LMD. Ce sont deux gouttes qui ont fait déborder le vase. Le problème est profond. Il réside dans la nature même de l'enseignement universitaire et du fonctionnement de l'université algérienne», explique un des étudiants protestataires. Pour ce dernier, la situation est critique et seule une intervention urgente du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, pourra désamorcer les conflits multiples qui se déclarent à plusieurs niveaux. C'est pourquoi les étudiants ont insisté pour remettre une lettre à l'adresse du Président en personne. Une délégation de cinq étudiants a été reçue par des responsables de la Présidence auxquels elle a remis la lettre, avec la promesse de la transmettre au concerné.Dans cette lettre, les gestionnaires du secteur de l'enseignement supérieur ont été mis à l'index. Ils sont accusés de mener l'université au chaos. Les étudiants demandent au président Bouteflika de les écarter de la gestion de cette même université pour permettre une relance efficace de la formation universitaire en Algérie. «L'Etat a mis en œuvre des moyens financiers et matériels sans précédent. Cependant, un tel défi consistant à faire émerger une université performante et d'excellence ne pouvait se permettre une gestion hasardeuse où l'improvisation et le bricolage ont été privilégiés à la concertation et à la réflexion», soulignent les étudiants dans ce document de trois feuillets adressé au président Bouteflika.Et les mêmes étudiants de poursuivre : «Nous ne manquerons pas de vous faire part, aujourd'hui, de nos profondes inquiétudes suscitées par la nonchalance et le manque de lucidité de certains responsables du secteur quant à la prise en charge efficiente des problèmes posés et des préoccupations de toute la communauté universitaire. Si, effectivement, la mondialisation doit nous inciter à introduire des réformes dans tous les domaines, y compris et surtout dans l'université et la recherche, le commun des mortels doit savoir, toutefois, qu'aucun projet ne peut aboutir s'il n'est pas conçu dans la forme et dans le fond avec la concertation et la contribution de tous les concernés, en prenant soin de réunir les conditions de son succès en amont et en aval. De tout cela, rien n'est fait.» Les manifestants signataires de la lettre demandent au premier magistrat du pays d'agir de façon à «venir à bout de toutes les forces d'inertie qui ont été à l'origine de ce marasme généralisé et que ces responsables défaillants soient identifiés et écartés, au grand bonheur de notre université qui, une fois réhabilitée, assurera pleinement ses véritables missions».Les étudiants attendent une réponse favorable du président Bouteflika à leur doléance. «C'est notre avenir qui est en jeu», affirment-ils, rappelant le risque majeur d'aller vers une année blanche. A ce propos, il est à rappeler que plusieurs établissements universitaires du pays sont à l'arrêt depuis au moins un mois.