L'autobus se gare le long du trottoir. Devant l'arrêt, des passagers attendent. Une jeune femme monte. De son portefeuille, elle sort une carte à puce qu'elle glisse dans un appareil placé près du chauffeur. Un signal sonore approbateur indique que le paiement a été effectué. La jeune femme avance et prend place près d'une fenêtre. Bientôt, le bus reprend son trajet, comme si de rien n'était… Cette scène, banale en Occident, se déroule au Rwanda, pays minuscule et enclavé qui compte parmi les plus pauvres du monde et qui en 1994 a été ébranlé par un génocide.Le système de paiement par carte magnétique introduit début 2011 à Kigali, la capitale du Rwanda, est la plus récente des avancées technologiques qui constituent actuellement le moteur de rapides transformations de l'économie du pays. Désormais, elles font du Rwanda le carrefour régional en matière de technologies de l'information et imprègnent le quotidien des Rwandais. Des plans gouvernementaux pour les TIC L'ambition affichée du gouvernement est de faire du pays un carrefour technologique, le «Singapour africain». Pour y parvenir, il a lancé des plans quinquennaux pour les technologies de l'information et de la communication (TIC). Le premier plan (2000 à 2005) s'est consacré à la création d'un environnement favorable aux initiatives dans le domaine des TIC. Le second (2006 à 2010) a mis en place l'infrastructure de base des TIC, un réseau de fibre optique en particulier. Le troisième, qui couvrira les années 2011 à 2015, accélérera l'introduction des services qui exploiteront ces nouvelles technologies et, les autorités en sont convaincues, permettra au Rwanda de distancer ses concurrents régionaux.Pour Ignace Gataré, le ministre rwandais des TIC, cette troisième phase renforcera les centres de formation spécialisés et développera dans les écoles une «culture des TIC» qui permettra de produire «une masse critique de professionnels des TIC».La promotion des technologies de l'information menée par le gouvernement stimule la créativité et la croissance des entreprises. Le produit national brut (PNB) du pays a connu l'année dernière une croissance de 7,4%. Il était déjà de 7,5%, en moyenne, entre 2004 et 2009. Ces chiffres sont proches des projections officielles (8% de croissance annuelle entre 2000 et 2020). Début 2011, le Rwanda a annoncé qu'il avait terminé la pose d'un réseau national de 2 300km de fibre optique. Ce réseau relie le Rwanda au reste du monde et remplace les liaisons par satellite coûteuses et lentes.Les trois opérateurs de téléphonie mobile, Rwandatel, MTN et Tigo, l'exploitent déjà. Mais la pénétration de la téléphonie mobile reste encore faible, même si elle connaît une croissance rapide. En 2010, selon l'agence de régulation des services publics du Rwanda (Rura), environ 2,4 millions de personnes – un Rwandais sur quatre – étaient propriétaires d'un téléphone cellulaire. Les analystes prévoient que ce nombre dépassera les 6 millions d'ici 2015. Santé, agriculture et nouvelles technologies Les innovations technologiques touchent presque tous les aspects de la vie quotidienne au Rwanda, de la santé et de l'éducation aux services bancaires. Le pays offre des milliers de téléphones cellulaires aux agents de santé communautaires, utilisés pour suivre l'état de santé des femmes enceintes, alerter sur les situations d'urgence, appeler une ambulance ou tenir les dispensaires locaux au courant des derniers développements sur les questions de santé par des messages textes. Tracnet, un système d'information géré par le centre de traitement et de recherche pour le sida, recueille et traite les informations concernant les patients et la distribution de médicaments contre le VIH/sida. Avec le Ghana, le Kenya et le Nigeria, le Rwanda a récemment expérimenté un système de contrôle des médicaments baptisé mPedigree.Les Rwandais profitent aujourd'hui des avantages des services bancaires par téléphone cellulaire qui sont déjà offerts dans plusieurs pays africains. Au début de l'année, MTN s'est associé avec la Banque commerciale du Rwanda pour lancer un service de comptes bancaires par téléphone cellulaire. Il permet à des milliers d'abonnés de virer de l'argent d'un compte à l'autre, de retirer de l'argent et de payer leur électricité et leurs factures de télévision à péage en utilisant des messages SMS. Les agriculteurs peuvent aussi recevoir les dernières informations sur le prix des produits agricoles qu'ils cultivent grâce à un logiciel appelé e-Soko. Les candidats au permis de conduire peuvent utiliser l'application SMS du ministère des Transports pour prendre rendez-vous pour leur examen ou pour en obtenir leurs résultats. Une application similaire facilite l'inscription sur les listes électorales. Pour répondre à la demande croissante d'accès Internet plus rapide, des télécentres reliés au réseau de fibre optique sont en train de voir le jour dans les 30 districts du pays. Les TIC au service des droits humains En dépit des progrès économiques et sociaux accomplis par le Rwanda, le gouvernement fait face à diverses critiques en matière des droits humains. Divers défenseurs des droits de l'homme ont exprimé leurs préoccupations à propos du traitement d'opposants et de sympathisants de l'opposition, particulièrement au cours de la campagne électorale en vue de la présidentielle de 2010. Le gouvernement rejette ces accusations. Ses sympathisants, principalement les bailleurs de fonds occidentaux qui fournissent la moitié des ressources budgétaires de l'Etat, notent la volonté du président Paul Kagamé de sortir le pays de la pauvreté et de maintenir la stabilité du pays après le génocide de 1994. Les Rwandais ne font certainement que commencer à profiter des retombées des nouvelles technologies. L'informatisation des bus de Kigali représente un pas de plus sur le difficile chemin de la prospérité économique. M. T. In Afrique Renouveau, magazine de l'ONU