La coalition internationale, particulièrement la France, qui a commencé à bombarder samedi dernier avant l'aube la Libye, quasiment huit ans jour pour jour après l'invasion de l'Irak, a poursuivi hier son opération militaire, baptisée «Aube de l'odyssée» par le Pentagone. Des dizaines de véhicules militaires des forces de Kadhafi, dont des chars et des canons d'artillerie, ont été détruits par des frappes aériennes à l'ouest de Benghazi. Au moins dix-huit avions américains, dont trois bombardiers furtifs B2, ont attaqué une vingtaine d'objectifs en Libye. «Nous avons attaqué des systèmes-clés de la défense anti-aérienne et des sites de missiles SAM près de Tripoli, de Misourata et de Syrte», a déclaré le porte-parole du quartier général américain chargé de la coordination des opérations alliées contre la Libye. Selon un bilan provisoire, de source officielle libyenne, 48 personnes ont trouvé la mort dans ces attaques, dont 26 à Tripoli. Paris assure «le leadership» de cette intervention militaire où une vingtaine d'appareils ont intervenu en Libye dès samedi. Des chasseurs-bombardiers britanniques Tornado ont également participé aux raids. Washington et Londres ont déjà lancé plus de 110 missiles de croisière Tomahawk. La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a assuré que les Etats-Unis vont apporter à la coalition des «capacités uniques», c'est-à-dire des moyens militaires dont ne disposent pas leurs alliés. D'autres pays comme l'Espagne, le Canada et l'Italie ont rejoint les opérations militaires, en mettant à disposition des avions de chasse ou des bases militaires pour certains. Le Qatar, unique pays arabe à déployer quatre avions dans le ciel libyen pour participer aux opérations militaires, a justifié cette décision, hier, par la nécessité de «mettre un terme au bain de sang». Qualifiée de «succès», la première phase des frappes menées contre la Libye a permis d'instaurer une zone d'exclusion aérienne, a déclaré l'amiral Michael Mullen. La prochaine étape des frappes consistera à attaquer les lignes de ravitaillement pour limiter la capacité des forces pro-Kadhafi à se battre, a ajouté ce responsable, tout en précisant : «Nous sommes maintenant dans une situation où ce que nous allons faire dépend, en partie, de ce que lui fait.» Que peut bien faire Kadhadi face à la force de la coalition ? Certes, ses forces ont tenté de riposter à des frappes aériennes, mais sans succès. Elles ont d'ailleurs stoppé leur avancée sur Benghazi. Le ministère libyen des Affaires étrangères, qui a vivement dénoncé ces attaques, a réclamé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU avant d'indiquer que la Libye «a le droit d'utiliser ses avions civils et militaires pour défendre ses intérêts après l'agression». Plus combatif que jamais et refusant de plier, le leader Mouammar Kadhafi a juré de transformer la Méditerranée en «champ de bataille» et que son pays ne laisserait jamais «les pays croisés» en prendre possession et exploiter son pétrole.Dans un message sonore diffusé à la télévision officielle, Kadhafi a assuré que son peuple «sortira vainqueur d'une longue guerre». Il pense peut-être à l'utilisation de ses stocks de gaz moutarde, mais les Etats-Unis y ont aussi pensé et déclaré qu'ils «surveillent de très près» ces stocks de gaz très dangereux. «Il pourrait faire beaucoup de dégâts avec ça», a déclaré l'amiral Mullen. L'intervention militaire en Libye ne fait pas l'unanimité. La Russie, qui s'était abstenue lors du vote à l'ONU, a demandé l'arrêt des frappes «non sélectives» faisant des victimes civiles. Le chef de la Ligue arabe, Amr Moussa, qui avait milité pour une zone d'exclusion aérienne, s'est aussi montré critique : «Ce que nous voulons, c'est la protection des civils et non pas le bombardement d'autres civils.» Le comité de l'Union africaine (UA), qui a regretté «de ne pouvoir se rendre» en Libye, l'autorisation demandée à la communauté internationale lui ayant été «refusée», a appelé hier à Nouakchott à «la cessation immédiate de toutes les hostilités» dans ce pays. L'Iran, qui soutient la révolte en Libye a affiché, pour sa part, un doute sur les intentions de l'Occident dans ce pays. A ce sujet, l'amiral Mike Mullen a déclaré que «les frappes aériennes de la coalition n'ont pas pour but de chasser Kadhafi du pouvoir, mais de protéger les civils libyens». Le président américain Barack Obama a également annoncé avoir autorisé «une action militaire limitée en Libye», réaffirmant que les Etats-Unis ne déploieraient pas de troupes au sol. Même si les autorités américaines assurent officiellement que leur but n'est pas un départ de Kadhafi, mais la protection des civils, il ne fait aucun doute que tel est bien l'objectif des Occidentaux. «Nous allons aider le peuple libyen à se libérer», a dit Alain Juppé. «Ce n'est pas inscrit dans la résolution du Conseil de sécurité qu'il doit s'en aller. Mais il est bien évident, ne racontons pas d'histoires, que le but de tout cela est de permettre au peuple libyen de choisir son régime», a-t-il ajouté. H. Y./Agences