Le pouvoir en Syrie semble opter pour la raison et la pondération afin de désamorcer une crise qui pourrait emporter tout sur son passage. La déferlante qui souffle sur un monde arabe, abasourdi par l'effet domino qui le secoue, pousse le régime syrien à faire vite pour éviter le pire. Le gouvernement syrien, dirigé depuis 2003 par le Premier ministre Mohammad Naji Otri, présente sa démission au chef de l'Etat Bachar al Assad. Sous la pression de la rue et la monté du scepticisme populaire, Assad au pouvoir depuis 2000 se devait de réagir. Le nouveau gouvernement, dont la composition devrait être connue d'ici la fin de la semaine, aura pour tâche de mener à bien le programme de réformes que le président syrien devrait annoncer. Parmi ces réformes doivent figurer l'abrogation de l'état d'urgence, la libéralisation de la presse et l'instauration du pluralisme politique, réclamées par le mouvement de contestation qui ébranle le pays depuis deux semaines. Et comme pour démontrer la popularité du Président actuel, le pouvoir en Syrie a mobilisé des centaines de milliers de personnes pour clamer leur attachement à leur chef d'Etat. Des drapeaux syriens, des multitudes de portraits des présidents Assad, père et fils, ont défilé à Damas. Il s'agit des plus importantes manifestations depuis l'arrivée au pouvoir de Bachar al Assad en 2000, où il avait succédé à son père Hafedh qui dirigeait le pays depuis 1970. Mais le procédé est usé jusqu'à la corde. Les régimes tunisien et égyptien déchus ont également eu recours à de telles manifestations «populaires» avec l'issue que l'on connaît. Le risque de friction et de dissension interethnique inquiète également. La Syrie est un pays multiconfessionnel et multiethnique avec notamment les sunnites qui sont majoritaires, les alaouites qui tiennent les rênes du pouvoir, les chrétiens et les Kurdes. La télévision d'Etat a montré des rassemblements identiques dans les principales villes, à l'exception de la ville de Lattaquié. Le principal port de Syrie a connu des heurts. Les autorités avaient demandé de ne pas se rassembler pour des raisons de sécurité. Durant le week-end, des hommes armés avaient ouvert le feu sur la population, faisant treize tués parmi les militaires et les civils et 185 blessés. Le régime a accusé les islamistes. A Deraa, épicentre de la contestation, 300 personnes ont manifesté contre le pouvoir en scandant «Révolution, révolution». Le président Assad doit annoncer sous peu une série de mesures censées libéraliser le régime en place depuis près de cinq décennies, notamment l'abolition de l'état d'urgence qui prive les citoyens de la majorité des libertés publiques. Le Premier ministre Naji Otri a formé son gouvernement en 2003. Le dernier remaniement remonte à avril 2009. Bachar al Assad s'adressera aujourd'hui à la nation. Il s'agira de la première intervention publique du chef de l'Etat depuis le début des manifestations dans le pays le 15 mars. M. B.