L'affaire Hariri, la perméabilité des frontières avec l'Irak, la situation des droits de l'Homme en Syrie mettent la pression sur le régime de Damas. Les jours de Bachar Al Assad à la tête de l'Etat syrien sont-ils comptés? C'est l'impression qui prévalait hier tant par la crispation de plus en plus évidente du gouvernement syrien, quelque peu sur la défensive, que du fait des pressions que maintiennent les Etats-Unis -qui évoquent de plus en plus le ‘'remplacement'' du président syrien- sur un pays à tout le moins diabolisé et rendu responsable de tous les malheurs qui accablent le Moyen-Orient. Mobilisant ses troupes, Bachar Al Assad appelle à ‘'l'Unité nationale'', rapportait hier le quotidien damascène Techrine. Lors d'une réunion du conseil des ministres dimanche, le président Bachar Al Assad, évoquant la situation interne et les pressions exercées sur la Syrie, a déclaré que «les développements politiques régionaux ainsi que les pressions continues qui sont exercées sur la Syrie en raison de ses positions patriotiques et nationales (...)». «Une solide union nationale et la confiance dans la justesse de nos positions sont nécessaires pour faire face aux pressions», a affirmé le président Al Assad. Le président syrien ajouta, selon Techrine, que «les décisions indépendantes de la Syrie reposent sur sa volonté de renforcer ses capacités de développement et d'exploiter sa position géographique et sa place économique». De fait, depuis plusieurs mois la Syrie fait face à une vaste campagne initiée par la France et les Etats-Unis, tant du fait de ce qu'ils estimaient être une «occupation» du Liban par la Syrie, que de celui de la détérioration des droits de l'Homme dans ce pays. Ainsi, en mai 2004, les Etats-Unis ont imposé des sanctions économiques à la Syrie, du fait des positions de Damas sur les dossiers sensibles du Liban, de l'Irak et de la Palestine. Les griefs de Washington contre la Syrie est que celle-ci, d'une manière ou d'une autre, est impliquée dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, qu'elle ne fait rien pour empêcher les infiltrations de combattants étrangers en Irak, et qu'elle entraverait le processus de paix en cours entre Israël et les Palestiniens. La situation de la Syrie s'est encore compliquée après le vote, en septembre 2004, par le Conseil de sécurité de la Résolution 1559 exigeant le retrait des forces syriennes stationnées au Liban depuis 1975. De fait, sous les pressions conjuguées franco-américaines et de la communauté internationale et de la rue libanaise, -des dizaines de milliers de manifestants ont exigé, (après l'assassinat de Hariri le 14 février), le départ de l'armée syrienne- la Syrie a fini par céder et plier bagage en rappelant ses unités stationnées au Liban. Ainsi, les forces syriennes quittent le Liban le 26 avril après une présence de trente années dans ce pays. Ce départ n'absout pas pour autant la Syrie. En effet, des soupçons pèsent sur l'ancien chef des renseignements syrien au Liban, le général Rustom Ghazalé, interrogé, de même que six hauts gradés syriens, par la commission de l'ONU d'enquête sur l'assassinat de Rafic Hariri, créant un malaise certain dans les milieux politiques et sécuritaires à Damas. De fait, ce n'est pas sans inquiétude que Damas attend les conclusions de la commission dirigée par le procureur allemand Detlev Mehlis. Ainsi, la Syrie se trouve dans le collimateur des Etats-Unis qui veulent absolument mettre au pas le dernier régime au Moyen-Orient qui ne leur soit pas soumis. Au point que Washington songerait, à en croire le quotidien israélien Haaretz, à «remplacer le régime» du président Bachar Al Assad. Dans cet objectif, les Etats-Unis auraient «consulté» Israël sur la faisabilité de ce projet. Bachar Al Assad est-il en passe de subir le sort qu'a eu Saddam Hussein? Dans son édition d'hier, le quotidien israélien fait état des «conversations» qui auraient eu lieu entre responsables américains et israéliens sur ce dossier, citant des sources gouvernementales israéliennes. Selon Haaretz, «Au cours de ‘'conversations'' avec leurs homologues israéliens, des responsables américains ont récemment exprimé leur intérêt pour les estimations de l'Etat hébreu concernant un éventuel remplaçant du président Al Assad qui maintiendrait la stabilité de la Syrie». Le journal israélien ajoute que «les responsables américains ont retiré de leurs contacts l'impression qu'Israël préfère le maintien au pouvoir d'un président Al Assad ‘'affaibli'' plutôt qu'un changement de régime». Les Israéliens estiment en effet que les conclusions de la commission d'enquête de l'ONU sur l'assassinat de Hariri, «pourraient s'avérer extrêmement embarrassantes» pour le président syrien, l'amenant à adopter un profil bas. S'exprimant sous couvert de l'anonymat, un responsable israélien a indiqué que «le dossier syrien est régulièrement évoqué avec les Américains» arguant «c'est une des priorités de notre agenda commun, car la Syrie est impliquée dans l'aide apportée aux terroristes palestiniens ainsi qu'aux terroristes islamistes qui sévissent contre les Américains en Irak». Le fait est que, installé à la tête de l'Etat depuis plus de cinq ans, le fils du défunt Hafez Al Assad n'a pas réussi à impulser une nouvelle dynamique à son pays et de nouvelles règles propres à lui garantir liberté et souveraineté, quand aujourd'hui la Syrie se trouve dans le collimateur de pays tiers en passe de décider en lieu et place du peuple syrien qui, certes, ne dispose pas de toute latitude pour s'exprimer sur les affaires de son pays. En tout état de cause, le régime de Bachar Al Assad se trouve aujourd'hui sur une corde raide face aux choix qu'il aura à prendre pour assurer l'indépendance de la Syrie et la sécurité du peuple syrien face aux manoeuvres déstabilisatrices de l'étranger.