Dernière semaine avant la reprise du chemin de l'école. L'ambiance à Alger est plutôt estivale et amadhanesque. Les odeurs de la rentrée scolaire ne semblent pas encore arriver dans les narines, apparemment fermées à tout ce qui n'est pas cuisine. Cette année, le mois de jeûne a devancé la rentrée scolaire, accaparant la grande partie des préoccupations. Les grandes chaleurs de ces derniers jours rendant les familles léthargiques. Quantités et qualités «Attendons samedi, le premier jour de la rentrée scolaire, pour voir venir les parents et leurs enfants», déclare, sans se décourager, un jeune vendeur d'articles scolaires au marché de la rue de la Lyre. Les acheteurs ne se bousculent pas devant les étals dans ce marché populaire d'Alger, encore moins dans les petites librairies et autres magasins spécialisés dans la vente de ces produits. Pas de mouvement de foule, non plus, devant les deux points de vente de manuels scolaires de l'ONPS (Office national des productions scolaires), habituellement pris d'assaut en pareille période de l'année. Les articles scolaires sont pourtant disponibles partout dans les endroits où on a l'habitude de les retrouver. Il y en a de toutes les couleurs et en grande quantité. Des articles spécialement pour filles et d'autres pour garçons. Pas de risque de se tromper là-dessus. De toutes les façons, même si le parent n'y prête pas attention, l'enfant est là pour faire la distinction. «Tu veux que les autres garçons se moquent de moi !» dit un garçon d'à peine huit ans à sa mère, qui demande le prix d'une pochette de feuilles de dessin sur laquelle est affichée la poupée «Fulla». Il explique à sa maman que «lorsqu'on trouve cette poupée sur l'emballage de n'importe quel article, cela veut dire qu'il est destiné aux filles. Quand on y trouve la photo de Spider Man, c'est pour les garçons». Les articles présentent une variété innombrable, mais aussi des ornements qui ne laissent pas indifférent. «Le côté esthétique est pris en considération. La présentation du produit aussi. C'est fait exprès pour faire travailler les méninges des petits bambins», explique l'un des vendeurs. Et c'est là justement qu'un autre problème se pose, faisant craindre une nouvelle saignée aux parents, après celle provoquée par le mois de Ramadhan. «Les enfants sont tentés par tout ce qu'ils voient et touchent. Ils veulent tout acheter», soutient une mère, qui semble avoir beaucoup de peine à convaincre son enfant d'acheter la boîte de crayons de couleur à 40 DA au lieu de celle à 80 DA. Aux marchés de Belouizdad, Meissonnier et place des Martyrs… les prix sont relativement inférieurs à ceux des librairies. Ce qui est tout à fait normal dans ce genre de commerce informel, lequel semble avoir encore de beaux jours devant lui. Les campagnes d'éradication de ces espaces traînent et tardent à donner leurs fruits, freinées par le manque de volonté et de détermination des autorités locales, mais aussi encouragées par les consommateurs qui y trouvent leurs comptes. Pourtant, comme nous l'explique cette femme, mère de trois enfants, tous scolarisés, «les prix ne diffèrent pas tellement de ceux des librairies». Les prix en hausse Pour l'année 2008/2009, une augmentation des prix est à relever sur pratiquement tous les articles. Légère ou importante, c'est selon. «Cela est dû à l'augmentation du prix du pétrole», expliquent des vendeurs. Les prix diffèrent aussi d'un magasin à un autre. D'un sac à dos de 200 DA, au marché «t'nnach» de Belouizdad, à celui de 650 DA dans une librairie à Alger centre, et à 3 390 DA dans le magasin de la marque «Techno» à la rue Larbi Ben M'Hidi. «C'est selon la qualité», affirment d'autres vendeurs. Dans un même magasin, comme celui de «Techno», on peut trouver le même produit à plusieurs prix. C'est selon sa qualité et son emballage. Ainsi, les compas oscillent entre 35, 75, 115, 120, 140 et 195 DA, voire plus. Ce magasin impressionne par sa bonne organisation et la bonne qualité de ses produits, mais aussi par la cherté des prix affichés. Cela paraît tellement excessif pour les petites bourses. Une boîte de crayons de couleur à plus de 800 DA ! Et pourtant, les clients ne s'y font pas désirer. «Je n'ai qu'un seul enfant. Il a 21 mois. Je l'ai inscrit dans une école privée», confie l'un d'eux, cadre supérieur dans une entreprise privée. L'homme fait le tour de toutes les rangées de la superette afin de dénicher les meilleurs produits pour son fils. Le même comportement est adopté par les autres clients, apparemment fidèles pour l'importateur «Techno» qui «veille sur la bonne qualité de tous les articles». C'est «Techno» qui choisit l'emballage, d'après l'un de ses employés. Ailleurs aussi, aux marchés informels, aux petits magasins et autres librairies, «la qualité se discute et les prix aussi». Les vendeurs confirment l'augmentation des prix par rapport aux années précédentes, «à cause du pétrole». Est-ce, toutefois, une raison pour dissuader les parents de les acheter ? «Ils sont contraints d'acheter. Ils ne vont tout de même pas envoyer leurs enfants à l'école avec des cartables vides», répond l'un d'eux. «Ne vous inquiétez pas ! Ils se débrouillent très bien. De toute façon, il y a les 2 000 DA octroyées aux familles démunies, l'octroi gratuit des manuels scolaires… et le couffin du Ramadhan», réplique un autre. Interrogés sur le budget du trousseau scolaire, les vendeurs le situent entre 1 500 et 6 000 DA. «C'est selon les goûts et les moyens financiers de chaque famille», soutiennent-ils. Meilleure gestion du manuel scolaire Aussi, avons-nous remarqué cette année, les manuels scolaires ne se vendent pas dans le marché informel. Du moins pour le moment. «C'est plus serré cette année», déclare un représentant de l'ONPS dans son point de vente situé à la rue Zighoud Youcef. Le jeune homme fait remarquer que cette année «les gens ne font plus la queue pour le manuel scolaire. L'année dernière, nous avions du mal à faire face à la demande. C'était difficile d'instaurer la discipline aux parents et à leurs élèves. Traiter avec le public n'est pas du tout chose facile». Les prix restent tout de même assez élevés. Trop élevés pour les bourses moyennes. Un total de 1 103 DA pour un élève de la 1re année primaire, 1 984 DA pour un collégien et près de 3 000 DA pour un lycéen. Heureusement que le ministère de l'Education nationale a décidé de distribuer gratuitement ces manuels aux enfants issus de familles démunies, et 2 000 DA. Cette aide arrivera-t-elle à destination au bon moment ? Attendons la rentrée pour en savoir plus. K. M.