Les étudiants forcent la main du sort et se réapproprient la voie publique pendant près de trois heures. Du haut lieu symbolique qu'est la «Fac centrale», les étudiants se sont dirigés vers l'autre haut lieu symbolique qu'est la présidence de la République pour crier haut et fort leur ras-le-bol d'une force d'inertie, qui étouffe le génie créatif et castre la citadelle du savoir transformée par la médiocrité des gestionnaires du secteur en un grand centre de formation sans aucune prise sur la réalité. Le mouvement des étudiants, qui se veut autonome de toute chapelle politique et partisane, semble plus à l'écoute des palpitations de la société que les partis qui ont démontré leur incapacité à mobiliser et leur obsession à s'imposer comme leader d'opinion en dépit de leurs échecs cumulés. De «la Fac centrale», lieu mythique des combats estudiantins, la nouvelle génération a brisé l'interdit et s'est dirigée en une colonne humaine immense vers le centre de décision nationale pour dire tout haut au président de la République que la majorité des Algériens attendent et espèrent «un changement radical et immédiat», avant que la situation ne se dégrade car les ingrédients du pourrissement sont réunis depuis un bon moment. C'est la future élite de la nation qui est sortie hier dans les rues d'Alger et non les émeutiers professionnels qui n'ont ni vision, ni programme, ni projet. C'est la pépinière de l'élite nationale qui a scandé hier des slogans pour une mutation pacifique, organisée et encadrée, et non les pions des agendas étrangers qui orchestrent des «révolutions colorées incertaines». Ce sont les héritiers de tous les printemps amazighs, de tous les combats démocratiques, de toutes les luttes pour la liberté, la dignité et le progrès qui ont investi en force les rues de la capitale pour esquisser les contours d'une Algérie citoyenne à construire par tous et au profit de tous sans exclusion. La marche d'hier est un moment charnière dans l'histoire du pays, un signe de rupture avec toutes les dynamiques aventuristes, émeutières et avec toutes les violences qui ont ensanglanté l'Algérie. Les étudiants écartés depuis le milieu des années quatre-vingt de toute dynamique nationale reprennent l'initiative et la parole pour s'imposer comme les véritables leaders d'opinion issus des entrailles de la société, représentant toutes les régions du pays et toutes les catégories sociales. Ils l'ont magistralement démontré hier à travers une mobilisation sans précédent depuis l'intermède démocratique de 1989 à 1991. La déferlante des étudiants a nourri les espoirs en cette jeunesse splendide, véritable force vive de la nation. Ces jeunes étudiants face aux forces de police qui ont tenté de les empêcher de marcher ont crié : «Nous sommes des étudiants et non des voyous !» Ces jeunes étudiants ont réussi pourtant à battre le pavé d'Alger sans porter atteinte ni aux biens ni aux personnes. Ces étudiants ont démontré à qui veut prouver le contraire qu'Alger est une ville ouverte et que les marches n'y constituent aucunement un risque pour la sécurité et qu'elle est le cœur palpitant de l'Algérie. A. G.