La dignité du journaliste ! Quèsaco ? Pour le lecteur qui feuillette chaque jour le produit fini qu'est un journal, elle est certainement très mince l'idée que celui qui contribue, autant que faire se peut, à l'informer sur ce qui se passe vit les mêmes difficultés à son poste de travail que n'importe quel autre salarié du pays profond dont il passe l'essentiel du temps de travail, et plus particulièrement ces derniers mois, à consacrer un espace dans lequel il rapporte les «misères» d'un Algérien parmi tant d'autres. Bien sûr, ce produit que le lecteur consulte chaque matin en sirotant son café, en appréciant ou non les articles, les commentant et parfois en liant une relation ponctuelle avec un client installé à la même table, ne vient pas au monde ramené par une cigogne de conte de fées ou dans les chou selon les arguments d'adultes gênés par la question de leur progéniture. Tout article, et peu importe son à-propos, est d'abord le fruit d'une dépense d'énergie physique et intellectuelle, qui, sans exagération, lessive son auteur, l'expose souvent à des risques, voire énormément de risques, lui fait subir bien des brimades souvent parmi les acteurs mêmes d'un sujet donné et de possibles remontrances de sa hiérarchie, laquelle peut ne pas être clean sur certains aspects de la ou les questions.Alors quand le lecteur en vient à apprendre que ce journaliste, dont il a fait sa «star» matinale, qu'il se surprend à lire régulièrement à la limite de l'atavisme chaque jour que Dieu fait ne peut que s'étonner, légitimement d'ailleurs, que ce dernier fasse partie du plus vulgaire monde des mortels, qu'il n'est que l'expression d'une triste réalité, l'autre face du miroir, la partie immergée de l'iceberg.Et pour une fois, parce qu'il s'agit de la situation de confrères, rarement le mot dignité dans les colonnes de journaux n'a eu autant d'importance, d'acuité et surtout autant de sens moral dans la mesure où bien des publications ont littéralement façonné la morale à l'effigie de leur «une». Ce qui n'a jamais été une évidence et encore moins une vérité vraie.Pis , la corporation s'est dotée, il y a près d'une décennie, d'un Conseil d'éthique et de déontologie censé protéger le journaliste, notamment en l'encadrant de garde-fous, et ce, d'autant plus que la conjoncture difficile que traversait le pays exigeait effectivement de la pondération dans l'information, sans pour autant que celle-ci en soit bâillonnée. Le très évanescent Conseil d'éthique et de déontologie a régulièrement, pour ne pas dire en permanence, oublié de faire appliquer ce modus vivendi à ceux-là mêmes qui en avaient décidé la création et finançaient l'existence : les patrons de journaux. Au jour d'aujourd'hui, ils se comptabilisent par cohortes les journalistes et autres collaborateurs, à défaut d'avoir d'autre choix, de s'être versés dans le métier, d'être contraints de rapporter tous les maux que vivent des milliers d'Algériens et, comble de l'ironie, des maux, toutes natures confondues, qui sont les leurs également, qui les font souffrir en silence. Et à un tel stade, il devient peu probable que, comme le juge, le policier, le douanier, en fait le fonctionnaire ordinaire et si commun, le journaliste puisse se prémunir contre le dévoiement d'une autre forme de dignité.Quant au Syndicat national des journalistes, autant ne pas en parler ou se poser simplement la question suivante «SNJ ! C'est quoi ce bidule ?» A. L.