Organisée par Naftec, la première conférence internationale sur le raffinage, tenue la semaine dernière à Alger, a débouché sur une série de recommandations résumant les dernières techniques opérées dans l'industrie du raffinage, à l'échelle mondiale. La rencontre, animée par des experts de renom, nationaux et étrangers, a donné lieu à un riche débat sur les grandes tendances en matière de raffinage, en Algérie et dans le monde. S'inscrivant dans une dynamique régionale et internationale, l'Algérie veut développer son industrie de raffinage. Elle projette ainsi d'augmenter ses capacités de raffinage en exportant davantage de naphta et autres produits pétroliers. Elle veut imiter les pays pétroliers, parce que la conjoncture actuelle le lui permet. Concrètement, l'Algérie ambitionne de faire passer ses capacités de raffinage de vingt-deux millions de tonnes par an, actuellement à cinquante millions, en 2014. C'est jouable. Et c'est le vœu du ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil. Il a souligné, à l'ouverture de cette conférence internationale, que l'Algérie est appelée à investir davantage dans la pétrochimie, et a fait état d'un programme de conversion et d'amélioration de la qualité des produits raffinés afin de répondre aux nouvelles contraintes imposées par la législation algérienne en matière d'environnement sur un marché local marqué par la prédominance de la demande de diesel au détriment des essences. Le ministre a rappelé que l'Algérie travaille sur deux grands projets de raffinerie, l'un à Skikda (cinq millions de tonnes/an de condensat) qui entrera en production fin 2008, et un autre à Tiaret (quinze millions de tonnes/an) qui sera opérationnel en 2014. Le relèvement des capacités de raffinage pour répondre à la demande croissante en énergie est «une priorité» de l'Algérie. C'est le propos de Abdelhafid Feghouli, vice-président des activités Aval (raffinage, distribution) au niveau de la compagnie nationale des hydrocarbures, Sonatrach. Il s'exprimait également lors des travaux de ladite conférence internationale. Le P-DG de la Société nationale de raffinage Naftec, filiale à 100% de Sonatrach, Akli Remini, a indiqué, de son côté, que quatre milliards de dollars seront consacrés au programme de réhabilitation des raffineries en Algérie d'ici à 2012. Il s'agit de porter les capacités de production des trois raffineries actuelles de Naftec à Alger, à Arzew (ouest) et à Skikda de vingt-deux (22) à vingt-sept (27) millions de tonnes/an, a-t-il précisé ; en ajoutant que, depuis 1964 à ce jour, l'outil de raffinage de Naftec a traité plus de 615 millions de tonnes de pétrole brut et près de 11 millions de tonnes de brut réduit importé pour la production des bitumes. A la faveur d'une croissance économique en nette augmentation ces dernières années, la consommation de carburants a grimpé de 20%. Les projets d'investissement pour booster le système de raffinage algérien s'articulent autour de deux volets : des projets de rénovation ou de réhabilitation et ceux de création de nouvelles unités de raffinage. Objectif central, augmenter donc les capacités de production, comme sus-évoqué. La construction de nouvelles raffineries : raffinerie de condensât, d'une capacité de traitement de cinq millions de tonnes par an. On cite souvent en exemple la raffinerie d'Adrar, opérationnelle depuis 2006. Elle peut traiter jusqu'à 600 kt/an de pétrole brut. Et les projets en cours ? Projet de construction d'une raffinerie à Tiaret, d'une capacité de quinze millions de tonnes par an (au-delà de l'année 2012), en plus de l'unité de conversion : cracking de naphta et fuel oil. Dans un exposé intitulé «évolution et enjeux» qu'il a présenté au cours de cette conférence internationale, Chekour Mustapha, chef du département exportation naphta, à Sonatrach, a mis en exergue une multitude de données sur l'industrie du raffinage. Il a évoqué deux chapitres aussi importants les uns que les autres : «perspectives d'évolution du raffinage en Algérie», et «perspectives d'évolution des exportations algériennes de produits pétroliers». L'intervenant relève un élément essentiel, celui de la faible part de l'essence et du gasoil, produits à forte valeur ajoutée, dans les exportations globales sur la période 2008-2012. Il a également soulevé la question de la prépondérance du naphta et du fuel oil dans la structure de nos exportations futures. Et dans le monde ? L'évolution des capacités de raffinage dans le monde est en nette augmentation. C'est chiffré en millions de barils par jour. Chekour Mustapha s'est attardé sur le fait que l'industrie du raffinage évolue aujourd'hui sous l'impulsion du développement du secteur de transports. Elle est orientée afin de répondre à la forte demande en carburants (essences et gasoils) et aux exigences du marché en matière de normes de qualité des produits. Les investissements consentis ou à consentir dans ce secteur sont colossaux. Des indications ? Pour une raffinerie de 400 000 b/j (20 mt/an), il faut compter environ 15 G dollars. S'y ajoutent les coûts opératoires d'une raffinerie : pour 400 000 b/j, il faut 20 dollars/tonne hors amortissements et charges financières. L'amortissement et les charges financières sont calculés comme suit : 1 G dollar/ 20 mt, c'est-à-dire 50 dollars/t. Le total des coûts avoisine les 70 dollars/t (10 dollars/b). Il faut donc 10 dollars par baril au minimum pour rentabiliser une telle raffinerie. De nouvelles raffineries sont nécessaires : la consommation passera de 85 mb/j à près de 100 mb/j, et les besoins en produits issus du raffinage augmenteront dans les mêmes proportions. Mais plusieurs facteurs freinent les constructions : les coûts explosent. De plus, il y a des incertitudes sur les disponibilités futures de brut ; les marges de raffinage «bonnes» dans l'ensemble sont extrêmement volatiles. Les nouvelles raffineries seront construites en Asie et dans les pays producteurs du Golfe, les besoins en conversion sont considérables. Outre les produits pétroliers classiques connus, l'Algérie ambitionne de mettre sur les marchés de nouveaux produits, comme le GTL (gas to liquids). Sonatrach travaille à la construction d'une unité de GTL, une structure qui produira des essences et du diesel propre à partir du gaz naturel. Le GTL a été évoqué à la faveur de cette première conférence. Le GTL est un nouveau type de carburant développé en Afrique du Sud. Sa production en est encore très limitée dans le monde, le procédé qui le sous-tend n'étant pas encore maîtrisé. Peu de pays le produisent. De manière globale, la production mondiale des produits raffinés va augmenter. La demande mondiale aussi. C'est normal, dans une économie mondiale en forte croissance tirée par les Etats-Unis et l'UE mais également par de nouveaux pôles industriels (la Chine et l'Inde) dont la demande en produits énergétiques, et notamment en produits raffinés, enregistre un accroissement de plus de 6%/an en moyenne. Y. S.