A peine les premiers contours connus, les premières polémiques fusent. Lorsqu'on parle de l'école, la sensibilité politique et idéologique n'est jamais loin. Les interprétations et autres lectures des réalités, faites par les uns et les autres, se disputent la responsabilité de l'école durant la décennie 1990. D'un côté, les républicains, rangés dans le cercle des «éradicateurs», pensent que l'utilisation à outrance de la religion à l'école a «produit des monstres». Pis, certains hommes politiques et des médias ont demandé la suppression pure et simple des sciences religieuses de l'école, et l'adoption de la langue française comme première langue d'enseignement. De l'autre se trouvent les partisans d'une école beaucoup plus orientée vers l'Orient. Ces derniers, s'érigeant en gardiens du temple, accusent l'autre «camp» de trop occidentaliser l'école et de s'éloigner de ce qu'ils appellent «les valeurs nationales» qui s'appuient sur un enseignement presque exclusif en langue arabe. Ils demandent plus d'éducation religieuse, à la manière de l'association des Ouléma qui, du temps de la colonisation, avait mis en place des écoles basées essentiellement sur l'éducation civique et religieuse. Cependant, il faut rappeler que le système de l'école fondamentale, appliqué progressivement dès la fin des années 1970, s'est appuyé précisément sur les deux piliers qui sont la religion et la langue arabe, quoique le facteur de la langue soit rarement mis en cause dans l'échec du système éducatif. Des manifestations, parfois violentes, ont même accompagné ces réformes au début des années 2000. Des groupes appelés notamment de «défense de la langue arabe» ont été constitués autour de Benmohamed, ancien ministre de l'Education, et de Athmane Saadi, président de l'Association pour la défense de la langue arabe. Une pétition avait été lancée. Elle était, naturellement, appuyée par les partis islamistes et l'aile la plus conservatrice du FLN, menée par l'actuel secrétaire général Abdelaziz Belkhadem. Cette opposition est devenue tellement forte qu'elle s'est déplacée à l'intérieur du gouvernement. En 2005 et lorsque le ministre de l'Education avait évoqué la suppression de l'éducation religieuse comme matière d'examen au baccalauréat, des ministres, à l'image de Bouguerra Soltani, sont montés au créneau à plusieurs reprises, avant que le président de la République ne rende son arbitrage en soutenant la décision de Benbouzid, avec cependant certaines concessions. Seulement, si certains chapitres de l'éducation islamique ont été supprimés, notamment ceux appelant au djihad, la réforme attendue n'a pas vraiment eu lieu. Du moins, elle n'a pas été aussi grande qu'on le pensait malgré l'adoption d'une nouvelle orientation. L'épisode de l'usage du français à partir de la deuxième année primaire, puis de la troisième, est révélateur de l'inconséquence du ministère de l'Education dans la direction des réformes. Mais c'est peut-être trop demander à un Etat qui a mis en place une commission de réforme, présidée par Benali Benzeghou, avant de se rétracter par la suite et suivre une autre plate-forme que personne ne connaît réellement. Preuve en est que la polémique reprend de plus belle, à l'image de ce soudain intérêt de Belkhadem à l'enseignement de la langue arabe. Mais là, c'est peut-être un autre sujet. A. B.