La police marocaine est en état d'alerte depuis jeudi dernier, après l'attentat perpétré dans un café de la place Jamaa El Fna, à Marrakech, qui a fait au moins seize morts, dont des Français et un Néerlandais. Le ministre de l'Intérieur marocain, Taieb Cherqaoui, a affirmé hier qu'il s'agissait d'un «acte terroriste résultant d'une forte déflagration provoquée par un engin explosif déclenché à distance». Le ministre a, d'autre part, souligné «la détermination du Maroc à poursuivre avec fermeté la lutte contre le terrorisme par tous les moyens que confère la loi, dans le cadre de la coopération avec les pays frères et amis». Un responsable de la préfecture de Marrakech a indiqué à la presse que selon des informations en sa possession, «il pourrait s'agir d'un acte perpétré par un kamikaze». Des informations concordantes avec le témoignage d'un client du café, indemne : «Un individu est rentré au café. Il a commandé un jus d'orange et quelques minutes plus tard, il s'est fait exploser.» Le témoignage de deux autres clients a permis d'établir un portrait-robot. Pour le moment, l'attentat n'a pas été revendiqué et le gouvernement chérifien n'accuse aucune partie comme l'a déclaré le ministre de la Communication, M. Khalid Naciri, hier, soulignant que «l'enquête continue sous la supervision du parquet général de Marrakech. C'est la raison pour laquelle nous nous abstenons pour l'instant d'accuser telle ou telle partie». Le roi Mohammed VI a ordonné une enquête rapide et transparente sur l'attentat et exigé que le public soit informé de ses conclusions. Son ministre de la Communication a assuré que toutes les pistes sont à exploiter, y compris celle d'Al Qaïda. Le ministre de l'Intérieur a indiqué, pour sa part, que l'enquête allait être menée «avec l'aide des pays amis et voisins» pour déterminer les circonstances et les auteurs de ce crime. Interpol n'a pas manqué, le lendemain de cette déclaration, d'offrir son aide, proposant notamment de participer à l'identification des victimes. Interpol propose également l'assistance de son unité «Sécurité publique et terrorisme», et pourra, si nécessaire, «émettre l'une de ses notices internationales» pour «alerter les forces de l'ordre sur le modus operandi» des terroristes, «obtenir des informations supplémentaires» sur des suspects ou «solliciter l'arrestation de personnes recherchées». La France a envoyé hier une délégation de dix policiers à Marrakech pour aider leurs homologues marocains à l'identification des victimes. Le parquet de Paris a indiqué avoir ouvert jeudi dernier une enquête préliminaire sur cet attentat, dans lequel au moins six Français ont péri et dix autres ont été blessés. Les réactions d'indignation et de ferme condamnation ont été exprimées par la communauté internationale. Rabat, Paris et Madrid, suivis par Washington, l'ONU et l'UE, ont dénoncé cette attaque «terroriste». L'Algérie a, dans une déclaration du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, condamné avec la plus grande fermeté le «lâche attentat» terroriste. «Un acte aussi abject ne peut que susciter une condamnation sans appel», a ajouté la même source. «Dans ces circonstances tragiques, nous adressons nos condoléances les plus attristées aux autorités et au peuple frère du Maroc, et nous assurons les familles des victimes de nos sentiments de sympathie et de compassion», conclut la déclaration. Le Maroc est confronté aux groupes terroristes d'Al Qaïda dans le Maghreb islamique (Aqmi) au même titre que les pays de la région du Maghreb et du Sahel. Selon des experts, les réseaux djihadistes pourraient avoir choisi de commettre un attentat à Marrakech pour s'imposer de nouveau au Maghreb, mais sans beaucoup de chances de faire dérailler le processus de réformes au Maroc qui «ne sera pas remis en cause en dépit de tentatives de déstabilisation», comme l'a déclaré le ministre marocain de la Communication. De nombreux indices désignent les réseaux ''Aqmi dans le mode opératoire. Mais pas seulement, il y a aussi les dernières arrestations d'extrémistes marocains au Mali. Cet attentat pourrait être une riposte d'Aqmi. D'autres experts ont évoqué le soutien de certains régimes aux réseaux terroristes, menacés par la contestation, afin de continuer à justifier la répression. Ces experts évoquent «d'éventuels soutiens libyens, syriens, voire algériens». Une thèse sans fondement vu que l'Algérie est consciente du danger du terrorisme qu'elle continue de combattre et qui a causé plus de 200 000 morts. Il semble que le scénario de 1994 refait surface au moment même où les relations entre l'Algérie et le Maroc commencent à peine à se réchauffer. En 1994, faut-il le rappeler, un attentat meurtrier avait frappé Marrakech, mettant sous le choc tout le royaume chérifien qui, refusant d'admettre être une cible du terrorisme, a préféré accuser l'Algérie d'être impliquée dans cet attentat. Le Maroc est victime de terribles attentats depuis des années. Casablanca a été secouée, en mai 2003, par cinq attentats-suicide ayant fait 45 morts, dont 12 kamikazes, et une centaine de blessés. En 2007, un jeune kamikaze s'est fait exploser avec une bonbonne de gaz à proximité d'un autocar de touristes étrangers. A Casablanca, en mars et avril de la même année, six kamikazes s'étaient fait exploser et un septième avait été tué par la police avant de pouvoir actionner sa ceinture d'explosifs. A cela s'ajoute l'arrestation de plus de 2 000 islamistes, dont plus d'un millier condamnés après les attentats. Rappelons que le 14 avril dernier, Mohammed VI avait libéré de nombreux détenus politiques, dont des islamistes, dans la foulée des annonces de réformes constitutionnelles annoncées. H. Y.