Photo : S. Zoheïr De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali Le tribunal près le Pôle pénal spécialisé de l'Ouest a rendu, hier matin, son verdict dans l'affaire «Sonatrach-Safir» opposant le ministère public à d'anciens responsables du groupe pétrolier. Mohamed Meziane, ex-P-DG de Sonatrach, a été condamné à deux années de prison - dont une ferme - et à 500 000 DA d'amende, alors que Abdelhafid Feghouli, ancien vice-président de l'activité Aval au moment des faits, Mekki Henni, directeur études et développement dans le même établissement, Tedjini Nechnech, directeur général de la société algéro-française Safir, et Benamar Touati, ex-P-DG de Cogiz ont écopé d'une année - dont quatre mois fermes - et 200 000 DA d'amende. Ayant été mis en détention il y a plus de quatre mois, soit le 20 décembre 2010, ces derniers sont donc remis en liberté. Les prévenus ont ainsi été reconnus coupables de passation de marché contraire à la réglementation et de dilapidation des deniers publics, lors de la signature du contrat portant sur la réalisation d'un centre de stockage et de conditionnement de l'azote à Arzew. Le projet, d'une valeur de 66 milliards de centimes, avait été scindé en deux tranches : une première partie concernant l'importation de bacs de stockage, passée par l'avis d'appel d'offres (le contrat, a été remporté par les indiens d'Inox India) et une seconde, portant sur l'étude et la réalisation du centre de stockage, avait été confiée à la société Safir de gré à gré, sans passer par l'avis d'appel d'offres. Et c'est justement sur ce point précis que les prévenus ont été poursuivis, la réglementation stipulant que l'avis d'appel d'offres national ou international était la règle et le gré à gré une exception admissible sous conditions (décision A-408 R15 portant directive passation des marchés de fournitures, de travaux, de fourniture et montage d'installations et de services physiquement quantifiables adoptée par Sonatrach en 2004, ndlr). A leur comparution lors du procès, mercredi dernier, les prévenus ont tous soutenu que le choix de la formule gré à gré, au lieu de l'appel d'offres, était justifié par l'urgence de réaliser très rapidement le centre de stockage et de conditionnement de l'azote pour sécuriser les installations industrielles. Or, les facteurs de l'urgence, de la sécurité et l'approbation du P-DG, en l'occurrence Mohamed Meziane, étaient justement les préalables prévus par la décision A-408 R15 dans le recours au gré à gré. Par conséquent, le contrat n'était entaché d'aucune irrégularité et les poursuites infondées. Ce qui ne fut pas de l'avis du ministère public, dont le représentant requit six années de réclusion contre Mohamed Meziane, Abdelhafid Feghouli et Benamar Touati et quatre ans contre Mekki Henni et Tedjini Nechnech, des peines également assorties d'une amende d'un million de dinars. Le réquisitoire a été interrompu à trois reprises par des avocats outrés par le fait que le ministère public s'en prend à l'avocat de la partie civile pour sa sympathie manifeste à l'égard des accusés : «Sonatrach n'a subi aucun préjudice», avait notamment affirmé la partie civile en attribuant les retards dans la réalisation du projet au crédit documentaire imposé par la loi de finances complémentaire 2009 : «Ce n'est donc pas la faute de Safir et, je le répète, Sonatrach n'a subi aucun dommage», avait-il insisté. Le ministère public avait qualifié l'attitude de la partie civile et sa plaidoirie de «contraires à l'éthique», provoquant ainsi le courroux d'une défense trop chatouilleuse, qui s'était retirée en exigeant les excuses du procureur irrévérencieux. Ce qui fut fait loin des regards de l'assistance, sans doute dans le bureau du juge, et a permis la reprise du procès. Après les plaidoiries des avocats qui s'articulèrent toutes autour de la bonne foi de leurs mandants, de la régularité du contrat et du «caractère plus politique que judiciaire» de cette affaire, la présidente mit le verdict en délibéré. Verdict qui fut finalement rendu hier matin et qui (à moins d'un appel improbable des deux parties en conflit) mit fin à la seconde affaire impliquant des travailleurs de Sonatrach que la justice eut à traiter à Oran. Quelques mois plus tôt, cinq cadres d'une autre filiale du groupe, STH, avaient été condamnés à des peines allant de 4 à 6 ans de prison pour les mêmes chefs d'accusation, en l'occurrence la passation de marché contraire à la réglementation et la dilapidation des deniers publics.