Photo : Riad De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Pour offrir un cursus scolaire de qualité, il est absolument nécessaire que l'école dispense des programmes haut de gamme comme cela se fait ailleurs. Malheureusement, en Algérie, entre la théorie et la pratique, il existe un énorme fossé qui s'ouvre déjà avec le cycle primaire où les petits apprenants ont tout le mal du monde pour appréhender, comprendre et mémoriser le volumineux programme qui les oblige à porter des cartables en pliant sous leur poids, à restreindre le temps de repos pour réviser et faire leurs devoirs et à sacrifier les distractions. De plus, l'enseignement de tels programmes exige des compétences avérées et des perfectionnements cycliques au sein du corps des enseignants. A Constantine, les programmes sont, certes, bouclés et les derniers cours s'achèvent sans grand retard dans différents établissements. Mais peut-on pour autant dire que les élèves ont tout assimilé et retenu ? Personne ne peut en jurer. Aussi se contente-t-on de la satisfaction d'avoir bouclé les programmes. Et pour achever les programmes - et l'école au passage - ministre, directeurs et enseignants savent y faire.Pour cette année scolaire peu de chamboulements et de ratages ont affecté la cadence de l'enseignement. L'autosatisfaction est donc exprimée notamment concernant le volet financier consacré au secteur qui aura permis au corps des enseignants de voir leurs revendications satisfaites honorablement. A l'Est, les responsables des établissements restent unanimes : les programmes sont en voie d'achèvement. Cela a été confirmé la semaine dernière lors d'une conférence régionale en présence des différents responsables de l'éducation qui unanimement se sont accordés sur un constat appréciable en ce qui concerne l'achèvement du programme. «En perspective des sessions, le seuil des cours sera décidé à l'issue de la réunion centrale prévue incessamment au niveau de la tutelle», explique le directeur de l'Education de la wilaya de Constantine, Abdallah Allam, qui mettra le point sur un axe fort attendu par les classes d'examens notamment. Les épreuves seront limitées au dernier cours dispensé dans chaque matière. Si un établissement à l'ouest, au centre ou au sud du pays demeure en retard par rapport à ce qui a été fourni ailleurs, à titre d'exemple à l'est du pays, ses élèves seront examinés uniquement sur les leçons qu'ils ont acquises.Néanmoins, cette largesse, selon des pédagogues, fragilise l'école et porte un coup sévère à la qualité de l'enseignement, et donc aux élèves, qui, sachant que le seuil sera déterminé, tourneront le dos au banc de l'école, malgré l'existence d'une circulaire qui impose la poursuite des cours jusqu'à la fin de l'année. Paradoxal ! D'un côté on bourre les programmes et de l'autre on les rabote pour les examens... Une situation pour le moins contradictoire avec les déclarations de la tutelle qui dit vouloir améliorer la qualité de l'enseignement en calquant des méthodes étrangères ayant fait leurs preuves.En réalité, ce n'est pas seulement le volume des programmes qui pose problème, mais aussi le procédé et les méthodes d'enseignement. En d'autres termes, «l'approche par compétence», exprimée par le ministre de l'Education, Boubekeur Benbouzid, et son staff, a du mal à être concrétisée dans la réalité, au grand dam des élèves des trois paliers. Pour cela, une cause : «On a certes établi des programmes d'une ampleur considérable qui ont fait leurs preuves dans des pays assez développés puisque Canadiens et Européens s'y appliquent. Seulement, les importer et les inculquer à nos élèves requièrent un travail en amont qui devait répondre à cette prétention», analyse un pédagogue universitaire. Il va sans dire que, théoriquement, le niveau de l'enseignement algérien est bon, voire il répond à la lettre à ce qui se fait sous d'autres cieux. Néanmoins, les résultats se font attendre. Les élèves n'assimilent pas vraiment tout ! C'est l'avis d'un enseignant.Ainsi, le perfectionnement du corps enseignant est fort recommandé. Certes, sur ce point le ministère de l'Education nationale avait procédé il y a des années à la mise en place d'un cycle de mise à niveau au profit des enseignants afin de les mettre au diapason des dernières avancées pédagogiques en matière d'enseignement des leçons. «Si l'approche par compétence n'est pas saisie, on parlera désormais d'un échec dans le procédé quand bien même l'élève engrangera des notes appréciables», dira le pédagogue. Mais comment peut-on parvenir à matérialiser cette donne qui va de concert avec la refonte scolaire en Algérie ? A cela notre pédagogue estimera qu'il est nécessaire de poursuivre le perfectionnement dans le corps de l'éducation nationale en vue d'aspirer à un enseignement de qualité et non de «quotas» souvent entérinés pour éclipser la défaillance entre la théorie et la pratique. L'Etat algérien débourse des sommes colossales pour améliorer ce secteur sensible et vital. Ce qu'il lui faudrait, de l'avis de quelques acteurs du secteur, c'est d'avoir des compétences. L'Algérie, en la matière, compte des groupes spécialisés de discipline (GSD) formés d'universitaires, d'inspecteurs, de pédagogues… Leur niveau est satisfaisant. Mais une hirondelle ne fait pas le printemps. S'il n'y a pas un suivi sur le terrain, rien ne viendra des discours et des professions de foi. Relever des imperfections sans les traiter n'apportera rien. «L'élève nécessite une compréhension concrète et non pas abstraite acquise théoriquement», appuie notre interlocuteur qui, pour soutenir son propos, ajoutera : «Un ancien élève non brillant en calcul se convertit en marchand de légumes. Comme la vie est pleine de rebondissements, son ancienne institutrice s'est retrouvé un jour en face de lui pour s'approvisionner. L'ex-malheureux écolier fera les additions sans peine. Stupéfaite, elle lui demandera alors pourquoi en classe il peinait à calculer. L'enfant eut cette réponse : ‘‘Je ne savais pas que les mathématiques avaient une relation avec cette réalité''» Anecdote ou réalité ? Peu importe, l'histoire montre que la plupart des apprenants saisissent mal leurs cours parce qu'ils sont mal encadrés. Notamment quand il s'agit de nouveaux chapitres ayant un lien avec la technologie. Ces sujets valent un traitement particulier puisé dans l'expérimental. Les enseignants sont-ils conscients de cet état ? Et peuvent-ils y remédier ? Programmes lourds et de surcroît lestés par la surcharge en classe dans quelques établissements de la périphérie et de la nouvelle ville pour le cas de Constantine, ce qui fait que les explications pratiques sont écourtées pour ne pas dire sacrifiées en classe. La refonte est en perpétuelle quête de perfectionnement et les classes d'excellence promises par M. Benbouzid devraient également se conformer préalablement à l'approche par compétence si l'on veut une formation de qualité et non une école produisant des armadas d'élèves gavés comme des oies. Trop de matières, élèves, parents et associations se lamentent A quelques semaines des examens, les établissements de l'Est peaufinent les programmes. Contrairement à l'année dernière, les cours n'ont pas été interrompus. Néanmoins les doléances se rapportant à la qualité et au volume de l'enseignement qui sont montrés du doigt par les parents d'élèves, les associations et même par quelques enseignants qui déplorent cette surcharge antipédagogique ! Pédagogues, enseignants et parents d'élèves s'accordent à dire que la qualité de l'enseignement est puisée dans une théorie somme toute de haut niveau, mais loin d'être confortée par une pratique palpable. «C'est ce dont l'élève a grand besoin pour absorber les chapitres qu'il accumule en classe», témoigne chacun de son côté. C'est insurmontable, se plaignent et les parents et les associations notamment du cycle primaire. Pour appréhender les cours, les écoliers ont, eux aussi, pris le pli de solliciter des séances de soutien prodiguées par des instituteurs. Ce qui illustre on ne peut plus clairement la faible compréhension en classe. Mais est-ce suffisant pour hisser le niveau ?Au final on ne peut que conclure que l'école a échoué quelque part, sinon comment expliquer cette ruée sur les cours privés ? «On dénonce tout le temps cette lourdeur dans les programmes, en vain. La tutelle applique et poursuit son objectif sans tenir compte de nos suggestions et préoccupations», lâche un parent d'élève. De son côté, un instituteur du primaire jugera que pour ce cycle la langue et le calcul sont les deux matières essentielles à inculquer, les autres viendront progressivement.