Meir Dagan, qui dirigeait le Mossad, les célèbres services de renseignements israéliens, s'exprimant devant la commission de la défense de la Knesset (le parlement israélien) en juin 2009 sur le programme nucléaire iranien a déclaré : «Si le projet ne rencontre pas d'obstacle technologique, les iraniens auront une bombe prête à l'emploi en 2014.» Mais Meir Dagan était déjà convaincu que l'option militaire n'était pas la meilleure solution pour empêcher la mise au point d'une arme nucléaire iranienne. Israël ne pouvait pas envisager une action semblable à celle de septembre 2007 qui avait entraîné la destruction par l'aviation israélienne de l'usine nucléaire syrienne située près de Dayr a-Zwar. Avec l'accord des américains, les israéliens avaient alors cherché, sans succès, à envoyer un message à l'Iran. Cette destruction d'un site unique entrait dans les compétences militaires israéliennes mais les iraniens ont disséminé leurs installations à travers tout le pays mêlant installations militaires et usines nucléaires civiles soumises au contrôle de l'AIEA.Les israéliens ont hésité à frapper les usines nucléaires en raison des risques encourus car ils craignaient des représailles du Hezbollah et de groupes palestiniens eux aussi proches de l'Iran. Par ailleurs, la Maison- Blanche refusait catégoriquement de s'engager dans une aventure militaire et faisait pression sur Israël pour que le gouvernement Netanyahou y renonce. En fait, le Mossad avait bien pris la décision d'attaquer l'Iran mais le combat allait prendre une tournure moins militaire. Il décida d'utiliser des sous-traitants parmi l'opposition iranienne pour organiser des opérations clandestines et notamment l'assassinat de plusieurs scientifiques impliqués dans les activités nucléaires. Il a aussi commandité les mystérieuses explosions qui ont eu lieu sur une base de missiles de Khorramabad le 16 octobre 2010. Et l'attaque d'Israël a bien eu lieu en septembre 2009 mais à l'aide du virus Stuxnet qui a rendu inutilisables une partie des centrifugeuses iraniennes. Le code qui a été introduit dans les ordinateurs iraniens est encore actif et, grâce à des fonctions dormantes, ses effets néfastes lui permettent d'évoluer et de commettre d'autres sabotages.Meir Dagan est encore sorti de sa réserve le 6 mai 2011, à l'Université hébraïque de Jérusalem, en évoquant l'éventualité d'une frappe militaire contre les installations nucléaires iraniennes. Il a radicalement repoussé une telle éventualité comme étant «la chose la plus stupide que j'ai jamais entendue.»Il a ainsi confirmé les difficultés de distinguer les infrastructures nucléaires civiles des militaires. L'ancien chef du Mossad estime que frapper l'Iran n'est pas insoluble techniquement et que l'armée israélienne sait le faire mais : «l'attaque israélienne sera suivie par une guerre avec l'Iran. C'est le genre de chose où l'on sait comment ça commence, mais pas comment cela finira.» Ces prises de position prudentes expliquent les atermoiements du premier ministre Benjamin Netanyahou.Meir Dagan a interprété par ailleurs à sa façon les révolutions arabes qui n'ont pas «engendré de tsunami de changement au Moyen-Orient». Selon lui, seule une révolution de palais s'est produite en Egypte où les Frères Musulmans n'ont aucune chance de prendre le pouvoir. L'armée qui détient des pans entiers de l'économie égyptienne ne laissera pas faire. Pour Meir Dagan, les révolutions ont surtout déstabilisé le régime iranien qui semble à présent surtout occupé à éviter la contamination populaire chez lui et en Syrie.L'Iran est affaibli par les troubles syriens qui mettent en danger le soutien matériel massif apporté au Hezbollah libanais. «Ce serait mieux pour Israël si le président syrien Bachar el-Assad était écarté du pouvoir parce que cela fera cesser l'aide au Hezbollah, et affaiblira l'influence iranienne». Il estime que s'il perdait le pouvoir cela permettrait le renforcement du camp sunnite en Syrie et dans le monde arabe en consolidant les pays «modérés» sunnites comme l'Arabie saoudite, le Bahreïn et la Jordanie, considérés par Israël comme des alliés potentiels. Mais toute action contre l'Iran risquerait de les voir tomber par solidarité dans le camp des Mollahs. En conséquence, l'Iran semble aujourd'hui à l'abri d'une action israélienne sauf si l'ancien chef du Mossad cherche à «enfumer» les médias. J. B. In slate.fr