Le virus Stuxnet et les assassinats de scientifiques ont suffisamment retardé le programme nucléaire d'armement iranien pour qu'Israël renonce presque officiellement à une attaque risquée et incertaine. Le Mossad, les célèbres services de renseignements israéliens, ont une mission. Ils sont devenus de facto le porte-parole officieux du gouvernement Netanyahou. Meir Dagan, qui dirigeait le Mossad jusqu'en décembre 2010, s'exprime régulièrement dans les médias et il est difficile d'imaginer que les dirigeants israéliens ne cautionnent pas ses propos. C'est en tout cas un moyen de faire passer des messages dans l'opinion et notamment dans la stratégie face à la République islamique d'Iran et son programme d'armement nucléaire. En janvier 2006, le même Meir Dagan avait exposé, devant la commission de la défense de la Knesset (le parlement israélien), des prévisions apocalyptiques sur le Proche-Orient. Il avait mis en avant les dangers du réarmement à outrance de la Syrie par l'Iran et avait qualifié la situation avec le Liban de «vrai bordel» en raison des multiples transferts d'armes syriennes vers le Hezbollah. Il caractérisait alors la situation d'explosive et ne s'était pas vraiment trompé puisqu'elle avait mené à la guerre du Liban de juillet 2006. Meir Dagan s'était à nouveau exprimé devant la même commission de la Knesset en juin 2009, cette fois sur le programme nucléaire iranien : «Si le projet ne rencontre pas d'obstacle technologique, les Iraniens auront une bombe prête à l'emploi en 2014». Téhéran avait l'intention selon lui de mettre en service plus de dix mille centrifugeuses d'ici à 2012 pour enrichir l'uranium et prônait une action d'envergure avant la fin 2009 pour stopper le programme. Les journalistes avaient interprété ces propos comme préfigurant une attaque militaire sans se douter qu'elle prendrait en fait une autre forme. Option militaire Le chef du Mossad, Meir Dagan, était déjà convaincu que l'option militaire n'était pas la meilleure solution pour empêcher la mise au point d'une arme nucléaire iranienne. Israël ne pouvait pas envisager une action semblable à celle de septembre 2007 qui avait entrainé la destruction par l'aviation israélienne de l'usine nucléaire syrienne située près de Dayr a-Zwar. Avec l'accord des Américains, les Israéliens avaient alors cherché, sans succès, à envoyer un message à l'Iran. Cette destruction d'un site unique entrait dans les compétences militaires israéliennes mais les Iraniens ont disséminé leurs installations à travers tout le pays, mêlant installations militaires et usines nucléaires civiles soumises au contrôle de l'AIEA. Les Israéliens ont hésité à frapper les usines nucléaires en raison des risques encourus car ils craignaient des représail- les du Hezbollah et de groupes palestiniens eux aussi proches de l'Iran. Par ailleurs, la Maison Blanche refusait catégoriquement de s'engager dans une aventure militaire et faisait pression sur Israël pour que le gouvernement Netanyahou y renonce. Des anciens du Mossad prévoyaient la guerre, et des fuites bien orchestrées faisaient état de vols d'entraînement au-dessus de Gibraltar pur préparer l'attaque. Mais la plupart des analystes occidentaux estimaient que l'attaque de l'Iran passait d'abord par la mise au pas de la Syrie et du Hezbollah. En fait, le Mossad avait bien pris la décision d'attaquer l'Iran mais le combat allait prendre une tournure moins militaire. Il décida d'utiliser des sous-traitants parmi l'opposition iranienne pour organiser des opérations clandestines et notamment l'assassinat de plusieurs scientifiques impliqués dans les activités nucléaires. Il a aussi commandité les mystérieuses explosions qui ont eu lieu sur une base de missiles de Khorramabad le 16 octobre 2010. J. B.