La salle Atlas a abrité mercredi soir dernier la représentation de la pièce théâtrale Caligula d'Albert Camus. Il s'agit de la version primitive de 1941 que retravaillera l'auteur par la suite et qui donnera la version plus connue représentée pour la première fois en 1945 au théâtre Hébertot à Paris. Sur une mise en scène de Stéphane Olivier Bisson avec Bruno Putzulu dans le rôle de Caius-Caligula, la pièce donne à voir l'histoire d'un «prince relativement aimable jusque là» et qui «s'aperçoit à la mort de Drusilla, sa sœur et sa maîtresse, que les hommes meurent et ils ne sont pas heureux». «Dès lors, obsédé par la quête de l'absolu, empoisonné de mépris et d'horreur, il tente d'exercer, par le meurtre et la perversion systématique de toutes les valeurs, une liberté dont il découvrira pour finir qu'elle n'est pas la bonne. Il récuse l'amitié et l'amour, la simple solidarité humaine, le bien et le mal. Il prend au mot ceux qui l'entourent, il les force à la logique, il nivelle tout autour de lui par la force de son refus et par la rage de destruction où l'entraîne sa passion de vivre», selon les mots d'Albert Camus.Le spectateurs, venus malheureusement en très petit nombre, ont pu donc apprécier une pièce où la tyrannie, la liberté dans le mal, la confrontation à l'impossible étaient au centre de l'action. Dans un décor parfois minimaliste et sur une musique omniprésente, Bruno Putzulu joue un empereur non pas fou, comme pourrait le suggérer la simple lecture du texte, mais un homme épris de son idée. En effet, Caligula se pose en «professeur» déterminé à faire subir les pires affres à ses sujets. Il fait assassiner leurs proches, viole leurs femmes, affame son peuple. Dans le simple but d'étancher une liberté qui le dépasse et dont il souffre au point d'en perdre le sommeil. Si la dérision est très présente dans les dialogues, c'est surtout une jubilation désespérée dans le mal, que le jeu de l'acteur principal rend parfaitement crédible.Le déplacement ingénieux des acteurs sur scène sert quant à lui l'idée d'une communication impossible entre les protagonistes. Caligula tourne littéralement le dos à ceux qui essayent de le raisonner. Il les prend violemment au bout de la scène dans des accès de rage. Il a des élans de tendresse devant le jeune poète Scipion, son antonyme de pureté. L'espace onirique ouvre et clos la pièce, par l'apparition du fantôme de Drusilla. Elle éclaire par ses monologues à la fois la culpabilité de l'empereur et les germes premiers de sa quête absurde. Le bon sens, la société, dirions-nous, est incarnée par Cherea, un homme qui concentre en lui les valeurs en lutte contre la folie meurtrière du tyran. Non sans admettre que Caligula «force à penser», il choisi de «faire taire» en lui ce qui «pouvait lui ressembler». Et c'est bien un des points qui transparait le plus dans cette pièce. Caligula, même s'il fini par se faire assassiner, marque l'Histoire de son empreinte. Il est en chacun de nous. Dans une époque où l'idée du pouvoir est remise en question, cette pièce, par la réflexion à laquelle elle nous invite, est plus que jamais d'actualité. Il est donc regrettable que le public «boude» ce genre d'événements. Mais à qui la faute ? Certainement pas au public… F. B.