Entretien réalisé par Yazid Amirouche La Tribune : Votre livre n'a pas été le bienvenu chez des éditeurs français. Parce qu'il remet en cause le rôle de certains intellectuels dans la sphère médiatique française ? PASCAL BONIFACE : Il ne remet pas en cause le rôle des intellectuels en tant que tels mais de certains d'entre eux qui n'hésitent pas à employer des contrevérités pour nourrir leur argumentation. Je ne vise pas dans mon livre certains intellectuels avec lesquels je suis en désaccord, cela fait partie du débat intellectuel. Il en est d'autres en revanche – et je crois que je le démontre facilement dans mon livre – qui sont loin d'exercer leur mission qui est d'éclairer le public et qui mentent sciemment, faisant ce que Julien Benda qualifiait à son époque de trahison des clercs. Comment expliquer que malgré leurs mensonges et leurs escroqueries intellectuelles ces faux experts occupent une place centrale dans l'espace médiatique ? C'est qu'ils vont dans le sens du vent dominant depuis une dizaine d'années de présenter l'Islam comme une menace globale pour la sécurité du monde occidental et accusent d'antisémitisme tous ceux qui osent critiquer l'action du gouvernement israélien. Quatorze refus d'édition, le chiffre aurait été plus «compréhensible» sous un régime de vulgaire dictature. En France, et c'est le moins qu'on puisse dire, cela risque de discréditer le monde de l'édition, du moins ternir son image. Y verrait-on de gros intérêts derrière ? J'ai en effet essuyé 14 refus d'éditeurs tout simplement parce que, si les thèses que je défends sont majoritaires dans l'opinion, l'espace éditorial français est un petit monde fait de beaucoup de connivences. Les gens se protègent mutuellement parce qu'ils ont peur des représailles ou qu'ils savent compter sur le soutien d'un collègue pour obtenir un avantage. Cette connivence se fait au détriment de l'information du public. Quelqu'un comme Bernard Henri Lévy occupe une place tellement centrale dans le paysage éditorial (présidence du conseil de surveillance d'Arte, du Monde, actionnaire de Libération, soutien du groupe Lagardère – Europe 1, Journal du dimanche, Paris-Match, Elle…) que beaucoup ont peur de s'opposer à lui ou de publier quelque chose qui serait critique à son égard par crainte de représailles. Sans trop aller vite en besogne, est-ce là une certaine faillite morale de cette caste d'intellectuels ? Il est évident que ces intellectuels qui mentent sciemment pour plaire aux décideurs, qui tentent d'influencer le public par le recours au travestissement de la réalité, ne remplissent pas leurs fonctions. A terme leurs mensonges qui sont souvent dévoilés nourrissent une critique générale des élites. Les Intellectuels faussaires est-il un appel pour un renouvellement de la relation médias-intellectuels ? Ce livre avec lequel je prends beaucoup de risques, car je mets en cause ceux qui donnent le ton dans le paysage intellectuel et médiatique, a été écrit parce qu'il me semble effectivement nécessaire de jeter un pavé dans la mare et de démasquer les faussaires. C'est un combat essentiel pour l'honnêteté intellectuelle.