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La mère contre la justice
éthique et politique
Publié dans La Tribune le 20 - 02 - 2010

Un colloque sur Georges Labica a clos ses débats mardi dernier. Ceux qui y ont assisté ont découvert ou redécouvert l'immense aura qui illumine ce rofesseur de philosophie de l'Espagne ou du Portugal à l'Afrique ou l'Amérique latine jusqu'en Chine lointaine ou en Corée. Il ne nous aura pas seulement apporté un soutien résolu dans notre lutte de libération. Cela seul devrait nous rappeler au devoir de reconnaissance à l'endroit de son amitié. Mais Labica a épousé, en plus de notre cause, bien des côtés humains et culturels de notre peuple. Il a aimé notre terre, les extravagances imprévisibles de notre lumière et de nos plages, l'infinie variation de notre sol et cette atmosphère faite pour le souvenir au fond des yeux ou pour la peinture et la photo. Mais il l'a d'abord aimée comme terre d'un peuple et il en a aimé la nourriture, les boissons, l'architecture, l'art de vivre, le savoir-faire. C'est l'amour de ce peuple qui a nourri son amour pour cette terre et il voyait dans sa beauté la main des hommes qui l'ont configurée. Et il a porté une attention soutenue à ces mains et pas seulement sur le plan de la vie quotidienne et de l'engagement politique. Il a porté cette attention à la profondeur historique de notre pays et de notre peuple en reprenant la lecture d'un des plus grands intellectuels de l'histoire de l'humanité : Ibn Khaldoun. Cette terre portait un peuple et une histoire intellectuelle et culturelle du plus haut intérêt. Cela fait une singulière différence entre chanter Tipasa ou interroger Ibn Khaldoun. Lire Ibn Khaldoun, lui consacrer une thèse novatrice, la soutenir à Alger pour en souligner le poids symbolique au regard d'un intellectuel français de haut vol montre suffisamment la conséquence de l'homme et la qualité de ses rapports aux autres peuples. Son dernier livre Théorie de la violence a occupé une place centrale au cours de ce colloque sans diminuer le poids des autres centres d'intérêt. Mais le fil qui s'est révélé puissamment conducteur dans ce colloque fut la relation à l'idée de justice car dans ce livre de Labica il apparaît bien que la première violence faite à l'homme reste l'injustice et la légitimité de la résistance à cette condition partout, aujourd'hui comme hier, imposée aux hommes. Avec de surcroît le matraquage idéologique pour la faire passer comme une situation de nature, voire comme le une condition méritée. Il reste aussi de ce colloque la leçon de méthode. Labica a été professeur de philosophie à Alger dans ces premières années de l'indépendance pendant lesquelles nous avions tant besoin d'une assistance technique étrangère. Encore que dans son cas le mot étranger résonne comme une contradiction. Sa présence était dans la cohérence de son engagement dans notre guerre de libération et toujours à l'ami qui a partagé nos souffrances nous avons hâte de lui dire : «Tu es chez toi». Et seul l'ami de grande qualité, celui qui a donné sans calcul et sans aucune demande de retour vous rappellera qu'il est heureux de votre accueil mais qu'il est chez vous. C'est bien pour cela qu'il s'est battu à vos côtés : pour être non l'intrus mais l'invité de votre demeure à partir de quoi il partagera votre humanité et le bonheur d'être reçu avec émotion et partage. Il fut, en Algérie et dans l'université, cet invité chantant notre demeure. Mais ce n'est pas pour cela que ses anciens élèves qu'il était et reste leur maître. Le professeur vous transmet une connaissance. Le maître vous arme d'une méthode. Il ne vous apprend pas ce qui a écrit. Il vous apprend comment le lire. C'est par là qu'il vous arme et vous invite à l'indépendance, à l'auto-prise en charge. Cela n'a pas été dit comme cela pendant ce colloque mais, dans chacune des interventions, chacun l'a décliné à sa façon et chacun a répété qu'il fut un maître. Ce colloque s'est quand même déroulé dans des circonstances particulières. Les organisateurs ne l'ont pas élibéré mais leur hommage a honoré une figure diamétralement opposée à une autre figure française qu'un battage médiatique sans précédent nous impose : celle de Camus. Les organisateurs du colloque n'ont pas délibéré la chose et ils n'auraient pas voulu le faire car ils s'intéressaient à Labica et à son poids pécifique et pour beaucoup d'entre eux il aurait été malvenu de mettre sur une même balance un géant de la philosophie et un bricoleur de l'absurde. Mais le hasard des circonstances l'aura voulu au-delà même de la simultanéité des deux hommages. Il se trouve que dans Théorie de la violence Labica s'arrête longuement sur la mythologie, la philosophie et le théâtre grec et que Camus a puisé dans cette sphère hellénique que les pieds noirs sont une race prométhéenne porteuse d'une promesse du feu dérobée aux dieux pour la mettre au service des hommes. Il s'agit bien sûr d'une version moins brutale et moins éculée de la mission civilisatrice du colonialisme que celle de Gsell et de la continuité française au travail déjà réalisé par les Romains sur une terre vacante de son peuple. La Lecture de Labica qui va immédiatement dans les enjeux essentiels de ces mythologies et de ces représentations esthétiques que les prétentions hellénistes de Camus en deviennent risibles. C'est pour cela que pendant les interventions et les débats j'ai dérivé vers cette notion de justice que Labica met au cœur de l'approche de toute violence. Le contexte se prêtait certainement au souvenir de la célèbre phrase de camus : «Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère». Cela m'a toujours intrigué que personne ne se demande ce qu'il entendait par justice. Car au fond, des intellectuels français, Algériens d'origine juive ou pieds noirs, ne se sauront jamais trahir leur mère, biologique ou symbolique, en défendant la justice. C'était même pour eux une fidélité à la mère que de rejoindre notre combat en devenant carrément algériens ou en restant français comme les militants du réseau Jeanson. Jeanson affirme qu'il a agi aussi par fidélité aux principes proclamés de la République française et qu'il défendait la France républicaine contre le fascisme spontané des colonialistes. Et si nous continuons à nous étonner de cette formule c'est bien parce que le mot justice dans la bouche de Camus ne signifie pas ce que nous
croyons : l'égalité pour tous. Le mot a un tout autre sens chez Camus. Déjà, avant la Seconde Guerre mondiale, il mettait l'accent sur la misère des «arabes» -c'est comme cela qu'il nous appelait, le mot «Algériens» étant, chez lui, réservé aux pieds noirs- en soulignant qu'elle pouvait être un puissant motif de succès des nationalistes. Il demandait plus de justice pour les «arabes» pour préserver la colonie. Cette justice devait se traduire par plus d'écoles, moins de chômage, quelques améliorations sociales, la fin de l'abus des communes mixtes qui livraient les Algériens à l'arbitraire des administrateurs civils. Il jouait ainsi le rôle de pompier du colonialisme. Un rôle d'alerte. A trop tirer sur la corde, les colons risquaient de soulever la tempête. Pas un mot de Camus sur le code de l'indigénat et il n'était pas question d'égalité de statut entre Arabes et pieds noirs. Ce rôle d'alerte prouvait-il quelque «humanisme» chez lui ? Pas du tout. On a souvent parlé de son silence à propos du 8 Mai 1945. Il ne l'a pas été tout à fait. Dans un article paru dans Combat le23 mai 1945, juste après la répression, il écrit : «La civilisation matérielle que nous poussons sans arrêt devant nous ne nous sauvera que si elle parvient un jour à libérer plus profondément tous ceux qu'elle asservit. Nous obtiendrons alors l'amitié des hommes qui dépendent de nous. Mais en dehors de cela nous récolterons la haine, comme tous les vainqueurs, incapables de surmonter leur victoire. De malheureuses et innocentes victimes françaises viennent de tomber et ce crime lui-même est inexcusable. Mais je voudrais que nous répondions au meurtre par la seule justice, pour éviter un avenir irréparable.». Vous avez bien lu «l'amitié des hommes qui dépendent de nous». «De malheureuses et innocentes victimes françaises viennent de tomber et ce crime lui-même est inexcusable.» «Mais je voudrais que nous répondions au meurtre par la seule justice pour éviter un avenir irréparable.» Les victimes arabes, c'était quoi ? Si vous n'êtes pas convaincus que la «justice» pour Camus c'était juste la charité qui lui aurait juste attaché les «arabes» et induit leur amitié pour mieux préserver l'ordre colonial -comme Kateb Yacine avait raison d'écrire que Camus était un colonialiste de bonne volonté !- lisez cette phrase : «Je vous donne la paix pour dix ans, à vous de vous en servir pour réconcilier les deux communautés. Une politique constructive est nécessaire pour rétablir la paix et la confiance.» Elle est du général Duval, chargé de rétablir l'ordre en mai 1945. Quelle est la différence de fond entre ses positions et celles de Camus ? Quelle différence quand Camus, tout comme le général, mesurant le fossé créé par la répression, alerte son opinion en lui disant : «L'Algérie est à conquérir une seconde fois.»Entre la charité pour contenir les révoltes indigènes et sa mère Camus avait choisi depuis longtemps. La justice n'avait rien à voir là-dedans. L'équation est plus simple. Un «colonialiste de bonne volonté» restera un colonialiste. Le reste relève de la contorsion.
M. B.


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