Noureddine Bouterfa, président-directeur du groupe Sonelgaz, s'est mis dans de sales draps. Les membres du bureau national de l'Association des résidents de la Cité Sonelgaz de Ben Aknoun «Les Oliviers» l'accusent d'avoir opéré «une volte-face inexpliquée» concernant une décision préalable de cession de logements sociaux, acquis par leurs occupants depuis plusieurs années dans le cadre de la politique sociale de l'entreprise. «En 2005, le Conseil d'administration de Sonelgaz a pris la résolution de céder (vendre) les logements qu'occupent ses fonctionnaires, pour la majorité depuis 1978. Ladite résolution stipule qu'il s'agit dans une première étape de vendre un lot de 2 000 logements sur l'ensemble du territoire national. La même année, une assemblée générale (AG) de l'entreprise a confirmé cette résolution», explique M. Rachid Cheniti, président de l'association. Il ajoute que durant les années 2006 et 2007, Sonelgaz a lancé une opération de vente qui s'est matérialisée par des actes administratifs spécifiant à la fois le montant et les modalités de paiement, avec comme objet la cession des logements. La date d'effet était, aussi, clairement explicitée, avec même une option de contracter, pour ceux qui le désiraient, un prêt bancaire auprès de la Banque nationale d'Algérie (BNA) avec laquelle Sonelgaz était liée. Mieux, le 24 juillet 2008, une autre AG avait été convoquée par le groupe d'électricité et du gaz. Là aussi, l'AG a statué sur la cession des logements au bénéfice de leurs occupants, ajoute le conférencier, accompagné d'autres membres du bureau national de l'association. «Le 24 août 2010, Sonelgaz stoppe net les cessions et est allée même jusqu'à sommer les résidents de lui restituer les actes de vente. En échange, le groupe nous a proposé de nous établir des contrats de location d'une durée de 3 ans», précise M. Cheniti, qui s'interroge : «Pourquoi ce revirement ?» Les résidents, via leur association, n'ont pas tardé à réagir. Le 2 septembre 2010, il y a eu saisine du PDG de Sonelgaz, Noureddine Bouterfa, sans succès. Quatre jours après, l'association a saisi le ministre de l'Energie de l'époque, Chakib Khelil, en vain. «A partir de là et devant le mutisme affiché par les responsables, l'association s'est adressée aux médias. L'affaire venait d'être médiatisée. La réaction du groupe ne s'est pas fait attendre. Le 2 février, Sonelgaz a envoyé des lettres individuelles à l'ensemble des résidents, dans lesquelles la direction nous a signifié qu'il n'a jamais été question pour la société de nous expulser», affirme M. Cheniti, qui précise que la direction a procédé à un «réaménagement» à la faveur duquel l'échéance de 3 ans a été portée à une «durée indéterminée». Or, ce réaménagement n'est pas du goût des résidents. «Nous voulons la cession (des logements) qui reste notre mot d'ordre», insiste-t-on. Un second écrit fut adressé le 1er janvier 2011 au ministre de l'Energie avec une copie au Premier ministre. Toujours pas de réponse. Les résidents multiplient les correspondances : le 6 mars saisine du wali d'Alger, et le 16 juin dernier, le Premier ministre a été encore une fois saisi. En vain. «Ce silence assourdissant n'est-ce pas du mépris ?», s'offusque-t-on. «Ces logements sont pour nous et nos enfants, nous ne demandons pas la charité, nous sommes prêts à acheter ces logements, mais pas question qu'on nous y déloge (…). Nous nous battrons pour nos enfants !», soulignent les conférenciers qui rappellent, dans ce cadre, que les terrains ayant servi d'assiette à ces logements «appartiennent aux travailleurs du groupe, et c'est tout à l'honneur des anciens dirigeants». «On nous a bernés, nous avons tout misé sur ces logements», lance, dépité, Hocine Tayer, membre du bureau national de l'association. «Notre calvaire a débuté en août 2010 à une semaine de l'Aïd, en plein mois de Ramadhan», se remémore-t-il, relevant que les logements que la direction de la Sonelgaz veut aujourd'hui leur confisquer «ont été construits sur les fonds du Trésor public, afin de loger le personnel du groupe». L'affectation des logements s'est faite sur la base de paramètres sociaux, tient-on à préciser. En clair : il ne s'agit pas de logements de fonction. «Un logement de fonction ne nécessite pas d'actes d'attribution», fait-on observer, une façon de battre en brèche les déclarations des responsables du groupe qui soutiennent la version contraire. «La politique sociale de la Sonelgaz a toujours été de vendre des logements à son personnel pour construire, avec cet argent, d'autres immeubles pour de nouveaux prétendants parmi son personnel.» «Aujourd'hui, nous ne comprenons tout simplement pas ce revirement», atteste-t-on. Et de prévenir : «Nous ne signerons aucun contrat hormis celui de la cession.» Les concernés ne manquent pas de soupçonner que cette étrange volte-face du groupe public a des «arrière-pensées népotiques». «Il y a une arrière-pensée quelque part. Quand on a saisi le Premier ministre pour une affaire interne à l'entreprise, Ahmed Ouyahia, ayant été probablement induit en erreur par la direction du groupe, a promulgué une instruction annulant la décision de cession. On ne peut pas ne pas se poser des questions», relève M. Cheniti. «Bouterfa a ouvert une boîte de Pandore qu'il est aujourd'hui plus que difficile de refermer», certifie-t-il. Il enfonce encore le clou en affirmant que sur les 200 logements de la Cité Sonelgaz de Ben Aknoun, un programme «spécial» de 90 unités a été attribué à des hauts cadres de la Sonatrach. «Le plus dramatique, c'est que les premières décisions de cession ont profité à ces privilégiés. Pourquoi ce deux poids deux mesures ?», s'insurge-t-on. Les résidents des cités Sonelgaz envisagent une série de sit-in devant le siège de la DG à Télémly (Alger), dans le sillage du premier sit-in organisé le 3 mai dernier. «Nous tiendrons des sit-in autant de fois que nécessaire, nous ne lâcherons pas », prévient-on. Notons que plus de 4 000 familles sont touchées par cette mesure dont 450 au niveau de la wilaya d'Alger. Y. D.