De notre envoyée spéciale à Malabo Karima Mokrani L'émission d'un mandat d'arrêt par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) contre trois personnalités libyennes, Mouaamar El Khadafi, son fils Saïf al Islam et le chef des services de renseignement, Abdallah al Senoussi, pour crimes contre l'humanité, est un développement contreproductif, a estimé mardi dernier à Malabo le commissaire de l'Union africaine (UA) à la paix et à la sécurité, l'Algérien Ramtane Lamamra. «Je parle du mandat d'arrêt de la CPI contre El Kadhafi, son fils et le général Sennoussi. Cela constitue un développement malencontreux, de notre point de vue. Ce qui ajoute à la perception par les Africains, aussi bien l'opinion publique que les gouvernants, selon laquelle la CPI ne trouve de crimes à réprimer qu'en Afrique et qu'elle est en fait une juridiction internationale spécialisée dans la poursuite des dirigeants africains. De tout temps, la justice s'est développée. De tout temps, la justice n'est pas venue avant le règlement des conflits, mais après le règlement des conflits. Nous sommes la seule organisation internationale à avoir inscrit dans sa charte constitutive la lutte contre l'impunité. Donc, il n'est pas question pour l'Union africaine d'accepter qu'il y ait impunité quelque part à travers le continent. En même temps, nous pensons que l'instrumentalisation de la justice internationale ne sert pas la cause de la paix et la cause de l'harmonie entre les nations», affirmera M. Lamamra. Rappelons que la Libye a rejeté, lundi dernier, le mandat d'arrêt lancé par la CPI, rappelant que Tripoli ne reconnaissait pas l'instance internationale. «La Libye [...] n'accepte pas les décisions de la CPI qui est un instrument du monde occidental pour poursuivre les dirigeants du tiers-monde», a déclaré le ministre de la Justice, Mohammed al Kamoudi, lors d'une conférence de presse à Tripoli. «Le Guide de la révolution et son fils n'occupent aucune position officielle dans le gouvernement libyen et n'ont donc aucun lien avec les accusations de la CPI contre eux», a ajouté le ministre de la Justice. La juge de la CPI Sanji Mmasenono Monageng estime que le colonel «dispose d'un contrôle absolu, ultime et incontesté de l'appareil du pouvoir de l'Etat libyen, y compris les forces de sécurité». La présidente de la chambre préliminaire de la CPI ajoute que Kadhafi et son fils ont conçu et orchestré une politique d'Etat «aux fins d'empêcher et de réprimer, par tous les moyens, les manifestations des civils contre le régime». Il est reproché à Senoussi d'avoir mis ce plan en œuvre. Mais cette décision a très peu de chances d'aboutir à l'arrestation de Kadhafi tant qu'il restera au pouvoir en Libye.